vingt-huit // pénultième (1)

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Keep On Loving You, Cigarettes After Sex

Le reste du mois de juin se passa sans la moindre anicroche. Enfin, rien qui ne s'apparentât à la tornade médiatique de cet automne. Maintenant que l'attention des journalistes se portait sur il ne savait quelle autre célébrité, Marcus pensait naïvement que tout irait bien pour lui et Harry. Erreur. Un tout autre mal s'abattait désormais sur leur couple : les fréquentes sautes d'humeur de Harry.

Pendant les jours suivant la fête d'anniversaire de Daisy, Marcus n'avait pas cessé de songer à ce fameux regard maussade qu'il avait surpris sur le visage de l'autre homme. C'était la première fois qu'il agissait de façon aussi bizarre, voire suspecte, en sa présence. Ou plutôt, non. Il agissait ainsi depuis que Marcus lui avait annoncé qu'il souhaitait lui dédier son deuxième livre pour le remercier d'être encore à ses côtés, malgré tout. Comme si cette simple déclaration avait suffi à elle seule à ébranler les fondements de leur relation, pourtant jusque-là très solides.

Bien sûr, Marcus avait essayé de comprendre ce qui se passait avec le principal concerné. Pourquoi se renfrognait-il à la moindre remarque? Pourquoi tenait-il à ce point à travailler? S'était-il senti vexé ou blessé par quelque remarque de sa part?

Hélas, ses efforts furent vains. Inlassablement, Harry se braquait, les sourcils froncés, une main dans ses cheveux, et grommelait d'un ton peu convaincant que non, tout allait bien. Il était soi-disant simplement occupé avec les cours d'été à l'université qui avaient récemment commencé et ne souhaitait pas se perdre en conversations futiles et ennuyeuses pour le moment. Du jour au lendemain, réalisa Marcus avec amertume, l'homme le plus important de sa vie l'avait relégué au second plan.

Par fierté, il cessa de l'embêter avec ses questions et se demanda avec une pointe d'espoir si Daisy pourrait l'aider à résoudre ce douloureux puzzle. Maintenant âgée de seize ans, la petite rouquine n'avait certes pas grandi d'un seul centimètre, mais il reconnaissait qu'elle n'était pas bête et qu'elle avait appris à bien connaître Harry au cours des derniers mois. Peut-être avait-elle remarqué quelque chose d'anormal dans son comportement, elle aussi.

Sans avertir Harry, de toute façon bien trop occupé à préparer ses précieux cours de littérature pour remarquer sa soudaine absence, Marcus sortit à l'extérieur, où il prit une grande respiration et huma du même coup l'air salé de la plage. Les fidèles mouettes de Goose Cove tournoyaient au-dessus de sa tête et piaillaient toutes en chœur.

Priant pour ne pas que l'une d'elles ne déverse sur sa tête quelque cadeau mou et odorant, il plaça ses deux mains autour de sa bouche et appela Winston, qui adorait patauger dans les vagues ou rôder autour de la maison. Bientôt, le fidèle chien sortit des boisés comme une marionnette d'une boîte à surprise et trotta jusqu'à son maître, qui l'attendait patiemment avec sa laisse à la main, les souliers à moitié enlisés dans le sable brûlant de juillet.

— Bon chien, murmura-t-il en lui caressant la tête. Ça te dit, une promenade? Allons-y!

Bien que Winston fût bien dressé, Marcus le tenait toujours en laisse lorsqu'il l'emmenait en promenade. Il préférait ne pas courir de risques. Une fois la laisse attachée au collier de cuir, l'homme et le chien rejoignirent la plage d'un bon pas et mirent le cap sur la ville d'Aurora, à une dizaine de kilomètres de Goose Cove.

Marcus soupira pendant qu'il admirait la mer, à quelques mètres de lui. Dire que quelques mois plus tôt, des gamins l'avaient tabassé ici-même. Sans doute craindrait-il que ce malheureux épisode se répète s'il n'avait Winston à ses côtés; c'était non seulement un formidable ami, mais aussi un bon chien de garde. Il remercia intérieurement Jenny d'avoir pensé à Harry et lui comme « parents adoptifs ».

Rimbaud et LolitaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant