vingt-sept // sweet sixteen

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This Is What Makes Us Girls, Lana Del Rey

Ça y était, ils allaient être en retard. Marcus, une moue sur les lèvres, jouait avec ses clés de voiture près de la porte depuis dix bonnes minutes, pendant que Harry, penché sur la table de la cuisine, écrivait à la hâte sur une feuille lignée.

— Tu pourrais terminer ça à notre retour, non? le pressa Marcus.

— Mais je voulais m'en débarrasser avant qu'on parte, justement. Donne-moi cinq minutes, d'accord?

— Pas une de plus, capitula Marcus, les yeux au ciel.

Il se croisa les bras pendant que Monsieur terminait de préparer le plan du cours de Littérature fantastique et de science-fiction qu'il donnerait pendant le trimestre d'été. Ah, ce fameux trimestre d'été. Depuis ce matin, c'était devenu l'excuse préférée de Harry. Marcus voulait faire une promenade sur la plage en sa compagnie? Marcus voulait cuisiner avec lui? Impossible, Harry devait préparer ses cours, c'était sa priorité numéro un.

Certes, les cours à l'université de Burrows débutaient la semaine prochaine et en tant que professeur, il était primordial pour lui de s'y préparer, mais de là à essayer d'éviter tout contact avec son copain? Seul un imbécile pouvait croire à de pareilles sornettes.

La veille, juste avant qu'ils ne s'endorment, Marcus avait compris que Harry lui cachait quelque chose et que ce devait être pour cette raison qu'il l'évitait comme la peste. Marcus faisait de son mieux pour se montrer patient et compréhensif, il n'avait pas remis le sujet sur le tapis depuis pour ne pas le brusquer. Mais, en toute honnêteté, sa curiosité était piquée. Que lui cachait-il donc?

— C'est bon, Marcus, j'arrive!

Marcus roula les yeux et attrapa deux sacs à ses pieds dont il aurait besoin cet après-midi.

— Pas trop tôt, persifla-t-il.

Harry ne répondit pas et le suivit jusqu'à la voiture. Marcus démarra, alluma la radio et quelques instants plus tard, ils roulaient vers le centre-ville où résidait la famille Harrison. Pendant le trajet, Harry s'épancha sur son fameux plan de cours. Il parla surtout du corpus qu'il comptait faire lire à ses étudiants.

— On commencera par Le meilleur des mondes, puis par Le portrait de Dorian Gray. J'ai aussi pensé à Dracula, mais les histoires de vampires sont tellement populaires par les temps qui courent que j'ai peur de les ennuyer. Qu'en penses-tu?

Marcus sourit intérieurement. C'était ce Harry qu'il aimait et admirait, capable de disserter sur une bonne centaine d'œuvres, connues comme méconnues, et non pas le Harry froid, distant et étrangement mélancolique de la veille.

— Tu pourrais leur faire lire Frankenstein, alors. C'est aussi un excellent classique du genre.

— Excellente idée, Marcus!

Apparemment, tout était redevenu à la normale entre eux. Peut-être n'avait-il suffi à Harry d'une bonne nuit de sommeil pour retrouver sa bonne humeur coutumière? Hélas, il se trompait du tout au tout et ne tarda pas à s'en rendre compte quand Harry lui demanda ce que contenaient les sacs placés sur la banquette arrière.

— Le cadeau de Daisy, naturellement.

Lorsque Dolores Harrison avait appelé les deux hommes la semaine précédente pour les inviter à la fête d'anniversaire de leur jeune amie, ils avaient d'abord refusé. Deux hommes de leur âge feraient certainement tache parmi la vingtaine d'adolescents réunis pour le seizième anniversaire de Daisy, en ce 14 juin.

Rimbaud et LolitaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant