épilogue

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AVRIL 2012

Marcus, les bras pleins de livres, jeta un regard furieux au tourne-disque portatif bleu poudre, posé à même le sol du salon, qui jouait le même album depuis tout à l'heure. Il soupira. À ses pieds gisaient trois grosses boîtes en carton, qui ne contenaient que des livres, ceux que Harry avait achetés ces deux dernières années, quand il résidait chez sa cousine Béatrice.

Pendant qu'il rangeait des livres de poche dans la grande bibliothèque en face de lui, il entendit par-dessus la musique — pourtant un peu trop forte à son goût — des pas précipités dans son dos. Il n'eut même pas besoin de se retourner pour reconnaître la voix enjouée qui s'adressa à lui :

— Alors, tu aimes?

— C'est... euh, pas mal, marmonna-t-il.

— Pas mal? répéta-t-elle, scandalisée. 

Il risqua un œil derrière lui : la petite rousse, les mains sur les hanches, le dévisageait d'un air furieux. Il s'attendait presque à ce que de la fumée lui sorte par les oreilles. Avant qu'elle n'explose, il s'empressa de rectifier :

— Je n'ai pas dit que je n'aimais pas! Mais je t'avoue que ce serait bien si tu faisais jouer un autre disque. Celui-là, par exemple.

Il se saisit au hasard de l'un des disques de Harry — n'importe lequel ferait l'affaire, vraiment —, tous bien rangés sur l'étagère la plus basse de la bibliothèque et le tendit à son amie. Son nez se retroussa comiquement.

— Fleetwood Mac? Jamais entendu parler, déclara-t-elle d'une voix dédaigneuse. Ça date des années 20?

Marcus roula les yeux.

— Franchement, Daisy...

Elle haussa les épaules et lui redonna l'album.

— Nan, on continue d'écouter Lana Del Rey, c'est ta punition pour m'avoir tirée du lit à 6 h du matin.

— Je t'avais pourtant avertie qu'il faudrait se lever tôt. On ne fait pas le ménage d'une maison en une heure, voyons!

— Tu dis ça parce que tu nettoies cette maison à la vitesse d'un escargot, bougonna la rouquine en ramassant le balai qu'elle avait laissée traîner sur le plancher.

Il lui jeta un sourire triomphant.

— Voilà pourquoi nous avions besoin de ton aide aujourd'hui, Super Daisy. Nous avions besoin de ta force, de ta rapidité...

Elle lui donna un coup de balai sur la tête.

— Tais-toi, tu veux? Tu m'empêches d'écouter la musique.

Sur ces paroles pleines d'amour, elle se dirigea, armée de son balai, vers la cuisine de Goose Cove pour continuer le ménage. Juste avant de disparaître dans le couloir, elle lui cria de monter le son. Marcus se massa la tête avant de s'exécuter à contrecœur, de peur de l'énerver davantage. Il n'était même pas encore midi et la jeune femme se montrait déjà irritable au possible. Il n'osait imaginer à quoi elle ressemblerait à la fin de l'après-midi.

Il n'avait pas menti, cela dit : elle leur était indispensable, à Harry et lui, s'ils souhaitaient finir de faire le ménage et de la maison, et de la propriété avant ce soir. Bien sûr, Harry ne voyait aucun inconvénient à ce qu'ils passent la nuit chez lui et qu'ils se remettent tous au travail le lendemain, mais pour sa part, Marcus préférait en finir au plus vite, et dès aujourd'hui si possible.

S'il s'était porté volontaire pour aider Harry à se réinstaller dans son ancienne demeure, c'était seulement par amitié pour lui, et non par amour du ménage. Et quelque chose lui disait que Daisy aussi. 

Rimbaud et LolitaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant