trente-sept // alma

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True Friends, Bring Me The Horizon

Broadway était encore tout illuminée quand il se gara dans la célèbre rue qu'il avait quittée à peine douze heures plus tôt. À cette heure si tardive, entre la nuit et le jour, seuls des touristes insomniaques et de jeunes gens éméchés se promenaient dans la ville qui ne dormait jamais. Il ne leur accorda pas la moindre attention tandis qu'il se dirigeait, guidé par son portable, vers l'adresse qu'Aldous — ou plutôt Alma — lui avait donnée tout à l'heure.

Passé le choc de la véritable identité d'Alma, Marcus avait repris ses esprits et compris que si elle l'avait appelé, c'était pour lui proposer une rencontre là, maintenant, histoire qu'ils se vident le cœur en face-à-face après deux ans de non-dits.

Naturellement, c'était hors de question. Non seulement il était 3 h du matin, mais en plus ce n'était pas avec Alma qu'il désirait le plus s'entretenir, mais avec Daisy. Ce qu'avait à lui confier Alma pouvait attendre au lendemain, ce n'était quand même pas si urgent.

— Et puis, tu as vu l'heure? Je suis crevé, moi.

— À t'entendre, tu n'as pas l'air crevé.

— Tout de même, je préfèrerais qu'on se voit un autre jour.

— Si j'emmène Daisy avec moi, tu acceptes qu'on se voit cette nuit?

— Ne la réveille pas pour ça!

— Oh, mais elle est déjà réveillée. Elle est à côté de moi.

— Non... Ne me dis qu'elle a tout entendu?

— On se voit dans une heure, Marcus Goldman. Je t'envoie l'adresse par sms.

Il savait qu'après un tel coup de fil, et malgré toute la fatigue accumulée, il ne pourrait jamais s'endormir, alors autant se pointer à ce fameux « rendez-vous ». Quoi qu'il arrive.

Comme il marchait d'un pas rapide, il arriva au lieu de rencontre au bout de dix minutes et grimaça à la vue du gigantesque M qui s'élevait sur plusieurs mètres, gigantesque structure parée de néons jaunes fluos qui semblait crier bouffe-moi, je suis délicieux. Pure pollution visuelle, de l'avis de Marcus. Il n'avait jamais aimé les restaurants McDonald's; le menu comme la décoration ne lui plaisaient pas le moins du monde.

Mais il n'avait pas le choix d'y entrer. C'était là qu'on l'attendait.

Dès qu'il poussa la porte, il soupira de soulagement en sentant la climatisation effleurer sa peau humide de sueur. Bien que le soleil fût couché depuis des heures au grand bonheur des New-Yorkais qui n'en pouvaient plus de cette canicule, l'humidité n'avait pas fait preuve de tant de générosité à leur égard et continuait de les harasser sans la moindre pitié.

Marcus fit quelques pas dans le restaurant avant de retrousser le nez. Les relents de friture et de burgers accumulés tout au long de la journée flottaient dans l'air ambiant. Il se croisa les bras et n'eut même pas à se forcer pour exhiber une grimace de dégoût, comme pour montrer à la plèbe qu'il était bien mécontent de fouler le sol de leur royaume sale et graisseux, que s'il avait eu le choix, il ne serait certainement pas là.

Sans grand enthousiasme, il promena son regard sur les quatre ou cinq clients occupés à manger ou à lire le journal. Pas d'Alma ou de Daisy en vue. Elles ne devaient pas être encore arrivées. En les attendant, il se commanda un cappuccino glacé et un muffin aux carottes, à la suite de quoi il se laissa tomber sur une banquette qui était aussi inconfortable qu'elle en avait l'air.

Son seul avantage, c'était qu'au moins, de là où il était, personne ne pouvait l'apercevoir du trottoir. Bien qu'il fût très tard — ou très tôt —, il ne tenait pas à ce qu'un bouseux le reconnaisse et aille cancaner avec tous ses amis que le dernier Goldman s'était si mal vendu que son auteur devait désormais se contenter de fast-food, à 4 h du matin qui plus est, s'il désirait manger au restaurant.

Rimbaud et LolitaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant