vingt-et-un // inopiné

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Time After Time, Iron & Wine

Ils mangèrent leurs pâtes dans la cuisine avec Led Zeppelin, Aerosmith et d'autres groupes de rock de l'époque en toile de fond qui leur parvenaient du salon. Lorsqu'un disque s'achevait, Harry se levait pour aller le retourner ou le changer. Il revenait ensuite à la table, et ils reprenaient leur conversation là où ils l'avaient laissée.

Ils parlèrent beaucoup musique. Dès que Marcus citait un chanteur ou un groupe qu'il avait adoré pendant son enfance ou son adolescence, Harry hochait la tête avec un sourire. À défaut de ne pas tous les aimer, il les connaissait presque tous, ne serait-ce que de nom.

— Et moi qui croyais que tu ne jurais que par l'opéra et la musique classique, commenta Marcus. Qu'est-ce que tu vas m'annoncer ensuite? Que tu aimes Madonna?

— Il n'y aurait pas de mal à ça, mais non.

Harry lui coula un regard amusé avant d'ajouter :

— Désolé de te décevoir.

Pendant qu'ils faisaient la vaisselle, Marcus se surprit à penser qu'il n'avait jamais connu pareille complicité, pareille familiarité auprès d'une autre personne, homme ou femme. Avec lui, rien n'était forcé, intense ou exagéré. Tout coulait de source.

Ils finissaient d'essuyer les assiettes et les ustensiles de cuisine quand on frappa deux grands coups à la porte, et s'ils les entendirent, c'était parce que la chanson qui jouait venait de prendre fin.

— Tu peux aller voir qui c'est? lui demanda Harry. Moi, je m'occupe de la musique.

Marcus acquiesça de la tête. Pendant qu'il se dirigeait vers la porte, la personne frappa deux autres coups. Les yeux au ciel — vu son insistance, il se doutait maintenant qui se trouvait derrière —, il cria :

— Du calme, j'arrive!

— T'es lent! lui beugla-t-on à travers la porte.

— Et toi, tu devrais apprendre la vertu de la patience, répliqua-t-il à Daisy Harrison en la découvrant, sans surprise, sur le porche.

À côté d'elle, plus réservé, se tenait Aldous, son camarade gothique (ou emo, il ne savait toujours pas la différence). Comme l'autre fois, il fixait du regard ses Converse, ses longues mèches sur les yeux. Marcus se força à lui sourire, par pure politesse. Ce n'était pas qu'il le détestait ou qu'il lui en voulait encore, mais il ne savait pas trop ce qu'il fichait là. Ne se doutait-il pas que ce serait très malaisant pour tout le monde s'ils se retrouvaient dans la même pièce?

— Rien à faire de la patience, claironna Daisy avec un sourire. On peut entrer?

— Avant, je peux savoir ce que vous venez faire ici?

Bien que la question s'adressât aux deux adolescents, il regardait Aldous qui, bien sûr, ne pipa mot, les bras croisés. La rousse l'encouragea :

— Je sais qu'il est arrogant et susceptible comme pas un, mais il ne te mangera pas. Tu peux lui répondre, 'dous.

Marcus la fusilla du regard tandis que la petite provocatrice lui souriait de toutes ses dents. Il préféra cependant attendre une réponse de la part du jeune homme plutôt que de jeter de l'huile sur le feu.

— J-juste une simp-ple visite, articula-t-il au bout d'un moment.

— Parce que...? insista Daisy.

Il se gratta la nuque.

— P-parce qu'on a q-quelque chose à v-vous annoncer.

Daisy cria de joie en lui passant un bras autour des épaules tandis que le pauvre garçon, lui, restait inerte.

Rimbaud et LolitaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant