vingt-quatre // colère

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Happy Song, Bring Me The Horizon

— Tu sais, Marcus, je ne crois pas que t'exposer ainsi était la meilleure des idées.

— Ce n'est pas de ma faute, c'est encore Daisy qui a tout bavassé, je te jure que je ne confierai plus rien à cette gamine!

Marcus, portable à la main, faisait les cent pas dans le salon. Lorsque Harry et lui étaient rentrés de leur jogging matinal, il avait enfin consulté les notifications qu'il avait reçues cette nuit : outre quelques mails sans importance, cinq appels manqués et une bonne dizaine de sms de de Douglas, son agent littéraire.

Marc, où es-tu?

Qu'est-ce que tu fais?

Je sais qu'à cette heure, tu es réveillé.

Décroche, il faut qu'on parle.

C'est urgent.

Marcus, réponds!

Marcus, est-ce que tu m'ignores?

Est-ce que tu es mort?

Allô?

Et ainsi de suite.

Pendant que Harry leur préparait le petit-déjeuner, il s'était décidé à appeler le très paniqué Douglas. Il avait décroché à la première sonnerie. Il avait de mauvaises nouvelles à lui annoncer : les rumeurs sur la fameuse théorie Gold Digger s'intensifiaient depuis quelques heures sur Internet.

À vrai dire, ce n'était même plus une théorie, mais un fait : le grand public en avait la preuve formelle, car quelqu'un avait publié une vidéo sur YouTube du « drame » de la veille, au Clark's. Sur le coup, Marcus ne l'avait pas cru. Ce n'était pas possible. Comme pour se convaincre, il avait tapé son propre nom dans son moteur de recherche; dans l'onglet Actualités, la vidéo en question apparaissait.

Masochiste, il l'avait regardée. Deux fois. Juste pour être certain qu'il ne rêvait pas. Et les commentaires? Ils s'enflammaient. Oui, c'était évident, le perfide Marcus Gayman se tapait le naïf Harry Quebert! Marcus ne savait pas ce qui l'énervait le plus, qu'on l'ait filmé à son insu ou que les gens avalent comme à l'habitude tout ce que les médias leur servaient.

— Daisy ou pas, t'es un peu dans la merde, répliqua Douglas. Enfin, on est tous dans la merde. On me harcèle au téléphone depuis les petites heures du matin pour savoir si c'est vraiment vrai. Pareil pour Barnaski. Il pense que ce sera génial pour la promotion de ton bouquin, cela dit.

Marcus enfouit une main dans ses cheveux, le cœur battant. Douglas continua :

— Ne te méprends pas, tant mieux si tu es heureux avec Harry. Seulement, fallait-il vraiment que tu t'affiches comme ça en public?

— Je ne m'affiche en public avec personne, s'emporta Marcus. Dans quelle langue il va falloir que je te le dise? Ce n'est pas de ma faute si les gens nous traitent comme des aberrations de la nature!

— Je n'ai pas dit que c'était de ta faute. Je dis juste que tu aurais pu être... disons, plus prudent.

Marcus serra les dents. Malgré ses bonnes intentions, tout était de la faute de Daisy, encore une fois, pourquoi son soi-disant ami ne le comprenait-t-il pas? Il avait l'impression qu'il ne l'écoutait même pas. Douglas paniquait parce qu'on le harcelait au téléphone? Oh mais quel drame, qu'on sorte les violons et les kleenex! Marcus, lui, endurait cette situation depuis des mois. On lui tournait le dos, on se moquait de lui, on l'insultait et on lui brisait les côtes. Est-ce qu'il se plaignait comme une fillette? Non! Et c'était lui, la tapette dans l'histoire? Quel monde de fous.

Rimbaud et LolitaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant