dix-huit // embarras

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A Message, Coldplay

Ils ne se reparlèrent pas de la matinée. En rentrant, Marcus avala un bol de céréales, rien de plus. Quand Harry lui proposa du café, il secoua la tête et déclara, avant de s'enfermer dans le bureau :

— Il faut que je m'y mette, je n'ai pas écrit depuis des jours!

Évidemment, ce n'était qu'un prétexte pour échapper à Harry. Il se doutait que la chose à faire, dans de telles circonstances, était de s'asseoir avec lui et d'entamer une longue discussion sur ce qui s'était passé sur la plage, mais c'était au-delà de ses forces. La lâcheté l'emportait sur la politesse : il ne voulait pas se retrouver seul à seul, dans la même pièce, avec son ami. Enfin, s'il était toujours son ami. Était-ce seulement possible? Il ne le savait même plus.

Après plusieurs heures à se torturer le cerveau de la sorte, il finit par se désintéresser de son manuscrit. La main sous la joue, il lâcha un bruyant soupir quand il se surprit à relire la même phrase pour la troisième fois d'affilée. Ça ne servait à rien de s'entêter. Il avait besoin de faire une pause. Ça tombait bien, midi approchait.

Il s'était entendu avec Douglas pour se rencontrer en début de soirée seulement, mais comme ça lui prendrait au moins quatre heures pour se rendre à New York, bouchon de circulation oblige, il ferait mieux de partir tout de suite, juste au cas où. Maintenant, il devait en informer Harry. Il n'allait tout de même pas s'enfuir comme un voleur.

Par chance, il n'eut pas à le chercher bien longtemps : il se trouvait dans la cuisine devant un bol de riz blanc, des feuilles makis et tout un tas de légumes. Marcus s'adossa contre le cadre de porte. Il n'osait pas s'approcher davantage de lui.

— Bonjour, lança-t-il enfin d'une voix peu assurée.

Harry, les doigts collants de riz, leva les yeux de ses sushis. Il l'observa un moment avant de le saluer d'un signe de tête.

— Si vous avez faim, ne vous inquiétez pas, ce sera bientôt prêt. Enfin, si j'arrive à les couper sans les détruire.

Il désignait de la main les rouleaux devant lui.

— Je suis certain que ce sera délicieux, répondit Marcus. Dommage que je ne puisse pas rester pour y goûter, Douglas m'a invité à aller boire un verre ce soir. Si je veux arriver à temps, je devrais partir tout de suite.

Harry se figea un instant avant de lui sourire.

— Oh. Bien sûr.

Il lui souriait, mais ce n'était pas sincère. C'était le sourire poli qu'il réservait à ses étudiants lorsqu'ils répondaient n'importe comment à une question posée. Ils se regardèrent sans mot dire pendant un moment.

Une pensée le frappa soudain : Harry pensait-il qu'il venait d'inventer cette sortie au bar rien que pour prendre la fuite, après ce qui s'était passé ce matin? Il faillit dégainer son portable pour lui montrer le sms de Douglas en guise de preuve irréfutable.

À force de garder le silence, il commençait à se sentir nerveux. Il se gratta la nuque d'une main avec un sourire stupide collé sur le visage, pendant que Harry était retourné à ses sushis comme si de rien n'était.

— Bon, eh bien à plus tard, lâcha-t-il presque joyeusement.

Il s'apprêtait à tourner les talons quand Harry le retint.

— Marcus, vous n'avez donc rien à me dire?

Il avait son couteau de cuisine à la main, et Marcus craignit de le recevoir au milieu du front s'il donnait la mauvaise réponse. Il secoua doucement la tête.

Rimbaud et LolitaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant