6. Du fond des siècles (1/2)

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Une simple voûte en berceau, d'à peine dix pieds de haut, surplombe une petite nef poussiéreuse aux pierres vieillies et usées par les ans. Quatre antiques bancs de bois vermoulus, couverts de toiles d'araignées et de gravats, tiennent lieu de mobilier. Sur notre gauche, une cuvette sculptée, asséchée depuis longtemps, devait servir de bénitier. La lumière de la lune pénètre par d'étroites fenêtres. Leurs vitraux, plus récents que le reste de la construction, dépeignent un même personnage dans différentes situations : sûrement des moments emblématiques de la vie de saint Augustin.

Impressionnés par l'atmosphère mystique de ces murs suintants de prières surannées, nous avançons au centre de la nef dans un silence monacal. Nos pas laissent des marques nettes dans la poussière. Personne n'a profané la paix des lieux depuis des années. Un bruit furtif un peu plus loin me fait sursauter : un rat, peut-être, dérangé dans ses activités nocturnes ? La tension accumulée des dernières heures pèse sur mes nerfs. Je me mordille la lèvre et tente de me ressaisir. Ce n'est pas le moment de craquer !

Mes compagnons ne semblent pas partager ma nervosité. Heinrich sort un cierge et se concentre sur la mèche. Je ressens une sorte de pincement au ventre ; une flamme jaillit, née de l'énergie de la Toile. Pendant ce temps, Guy contemple les vitraux. Il s'attarde en particulier en face de la représentation de saint Augustin devant une écritoire, une plume à la main.

— Venez voir par ici ! appelle Heinrich sur ma gauche.

À l'extrémité de la nef, un escalier de pierre s'enfonce dans les ténèbres.

— On descend ?

Sans attendre de réponse, il s'engage dans les marches usées et glissantes. Le passage exigu ne permet qu'une personne de front. Comme notre compagnon explorateur porte l'unique source de lumière, Guy et moi lui emboîtons le pas. Avec sa haute taille, le Français doit se baisser pour ne pas se cogner la tête. L'escalier tourne à angle droit pour déboucher dans une petite crypte située juste sous la nef.

Notre arrivée fait fuir une famille de rats avec force couinements et crissements. Un air humide et vicié règne dans le caveau. Mes sandales s'enfoncent légèrement dans le sol terreux imprégné d'eau. Le tombeau abrite cinq cercueils de pierre, disposés le long du mur. Heinrich s'avance vers le premier d'entre eux. Le gisant sculpté représente un guerrier en armure, ceint d'une couronne. Le jeune Allemand pose son cierge sur le bouclier, puis allume deux autres chandelles qu'il accroche un peu plus loin dans la crypte.

— Voilà ! Cet éclairage facilitera nos recherches.

Ainsi illuminés, les détails nous apparaissent plus clairement. Sur le mur derrière les gisants, je déchiffre une phrase gravée en latin : « Hic in pace antiqui reges requiescant ».

— Que les rois de jadis reposent en paix en ce lieu, traduis-je à mi-voix.

Je me retourne vers mes compagnons pour plonger dans les yeux de Guy braqués sur moi. Il me dévisage un instant d'un air pensif et s'apprête à parler lorsque Heinrich s'exclame :

— Mais où sont donc passés les rats ?

En effet, toute trace des rongeurs a disparu. J'entends juste un couinement lointain au-dessus de nos têtes.

— Il doit y avoir une fissure ou une cachette dans ces murs de pierre, un trou dans la terre où ils se sont réfugiés, avancé-je en guise d'explication.

— Ou bien il existe une pièce secrète, raisonne Guy, songeur. Avant de poursuivre nos recherches, je propose de prendre quelques précautions.

Il soulève sa pèlerine et sort les deux épées cachées dans son dos. D'un geste sec, il me tend mon arme et ceint la sienne à sa ceinture. Je l'imite après une brève hésitation pendant que Heinrich récupère son couteau sous sa tunique.

Le crépuscule des VeilleursDär berättelser lever. Upptäck nu