40. L'honneur est sauf (2/3)

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Le lendemain, en milieu de journée, nous faisons une fois de plus nos adieux. Nos compagnons préfèrent éviter l'armée royale et vont prendre la route de Turin. Ils ont déjà fait un détour pour nous accompagner jusque-là et je leur en suis reconnaissante.

Heinrich s'avance le premier, avec ses boucles blondes, ses yeux azur et son sourire enjôleur.

— Au revoir Aurore ! s'exclame-t-il avec sa gaieté coutumière. Je passerai te saluer à Uzès, si je voyage un jour dans le coin !

Il pointe un pouce discret en direction de Guy.

— À moins que tu n'ailles t'installer en Lorraine, du côté de Tréveray, ajoute-t-il avec un clin d'œil espiègle.

— Tu seras toujours le bienvenu dans ma demeure, où qu'elle soit, lui assuré-je. Du moment que tu ne t'amuses pas à briser le cœur des jeunes filles de ma maisonnée.

— Loin de moi cette idée ! se récrie-t-il aussitôt. Tu me connais !

Je le regarde s'éloigner et secoue la tête avec un coin de sourire indulgent. Nos aventures n'ont pas entamé sa bonne humeur désinvolte. Il ne prend décidément rien au sérieux !

Hans s'approche juste après son frère. Il me salue d'un hochement de menton distant. Notre relation n'a pas vraiment débuté sous de bons auspices et nous avons manqué de temps pour apprendre à nous connaître vraiment.

— Bonne route, Hans, lancé-je, un peu empruntée. Surveille bien Heinrich. Ne le laisse pas faire trop de bêtises !

Le visage du jeune homme reste grave, presque fermé. Il ne renchérit pas sur ma piteuse plaisanterie.

— Du jour où je t'ai écouté, j'ai perdu un père et trouvé un frère, commence-t-il sombrement. Je ne sais pas si je dois te maudire ou te remercier pour cela.

J'accuse le coup de son reproche implicite. Je ne me sens pas responsable de la mort du cardinal Marliano – celui-ci a semé les graines de sa propre perte – mais je comprends que la plaie est encore à vif.

— Cela, réponds-je avec le plus grand sérieux, seul l'avenir te le dira, Hans.

Il s'éloigne sans un mot de plus et je me tourne vers João. Il m'a déjà ouvert son cœur hier soir et les effusions débordantes ne sont pas son style. Je me contente de lui demander ses projets.

— Je vais remonter sur Paris, m'annonce-t-il. Je n'ai bien évidemment jamais trouvé le temps d'écrire les lettres promises à ma sœur. Elle doit être morte d'inquiétude. Et après cela, ma foi, je ne sais pas encore... peut-être revoir l'océan, naviguer à nouveau...

Geiléis me salue en dernier. La gardienne s'est montré une amie fidèle, la première à avoir percé mon secret. Je lui suis reconnaissante d'avoir respecté sa parole et de ne jamais m'avoir trahie.

— Et toi, interrogé-je, quels sont tes projets ?

— Je vais aller à Paris également. João a promis qu'il me présenterait sa sœur. Il m'a beaucoup parlé d'elle et j'ai hâte de faire sa connaissance.

— Tu ne retournes pas dans ton pays ? m'étonné-je.

Geiléis secoue la tête et une ombre passagère voile son visage.

— Mon bâton de druide a été brisé. Je ne suis plus gardienne. Retourner là-bas me fendrait le cœur. J'y verrai trop de souvenirs désormais inaccessibles.

— Je suis désolée...

Cependant, elle semble en paix avec sa décision. Un sourire serein se pose sur ses lèvres.

Le crépuscule des Veilleursحيث تعيش القصص. اكتشف الآن