22. Les sept reliques (1/4)

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 Les violentes bourrasques qui soufflent sans relâche depuis deux jours s'apaisent enfin et je savoure ce répit appréciable. Pour ne rien gâcher, la journée s'annonce riche en révélations. Je trépigne d'impatience à l'idée de rencontrer le mystérieux Samuel de Pontbréant et d'en apprendre plus sur les reliques énigmatiques.

Guy et João ont bien fait comprendre qu'ils tenaient tous deux à lui parler. Ils se saisissent chacun de leur épée, échangent un regard et s'écartent de quelques pas circonspects. Comme Fabrizio refuse d'abandonner nos carrioles sans surveillance, il décide que Pedro et Geiléis resteront au campement. Personne n'élève d'objection.

Le sourire au bord des lèvres, je fonce me préparer dans ma roulotte. J'ai à peine plongé le nez dans mon coffre que la guérisseuse débarque sur mes talons. Je sursaute.

— Ce n'est que moi, me rassure-t-elle. Je viens vérifier l'état de tes pansements.

Sans me laisser le temps de protester, elle m'assied d'autorité sur ma paillasse, déroule les bandes autour de mes bras et mes mollets, et observe les marques profondes avec un froncement de nez désapprobateur.

— Tu devrais rester ici, les autres n'ont pas besoin de toi.

— Crois-tu ?

Je laisse fuser un petit rire narquois, puis reprends plus sur un ton plus sérieux :

— Je veux y aller, Geiléis. Je veux parler avec ce Samuel de Pontbréant, entendre de sa bouche les détails de cette expédition mystérieuse dont il est revenu autrefois. Il pourrait y avoir des éléments qui échapperaient à Guy et aux autres.

Geiléis soupire devant ma diatribe convaincue ; ses lèvres se tordent sur une moue résignée.

— Tu es vraiment aussi têtu que lui. Bien, je vais serrer un peu plus ces bandages. Tu n'as plus mal ?

— Non.

Je m'en veux de lui mentir ainsi, mais l'idée de rester derrière m'est proprement insupportable. Quoi qu'il en soit, je me sens parfaitement capable de marcher quelques heures en dépit des tiraillements de mes chevilles.

Je retrouve mes compagnons fins prêts au pied du feu de camp. Après avoir longuement hésité, Guy glisse dans sa sacoche en cuir la relique de Jerome Keynes et l'encombrant grimoire de saint Augustin. Je crois que l'idée de perdre de vue ces trésors lui répugne bien plus que le risque qu'il court à les transporter.

Fabrizio tend une bourse à Pedro.

— Fais le tour des fermes des environs avec Geiléis. Voyez si les fermiers ont de la nourriture à vendre.

L'Espagnol empoche l'argent avec un hochement de tête, pénétré de l'importance de sa mission.

— Nous trouverons ce qu'il nous faut, assure-t-il. Faites attention à vous, señor Fabrizio.

Notre chef lui serre l'épaule en retour avec une émotion indéfinissable au fond des yeux.

— Ne t'inquiète pas. Nous serons de retour en fin de journée.

Nous partons donc à cinq en direction de Chartres, tous armés et résolus. Même Fabrizio emporte un lourd bâton en cas de coup dur : l'expérience de Paris nous a servi de leçon.

Le chemin de terre sort du bois et rejoint la route pavée au bord de l'Eure. Sur la rive, un grand moulin plonge les pales de sa roue dans un étroit canal longeant la rivière. Nous nous mêlons au flot humain qui franchit les portes dans une animation enfiévrée, et nous laissons emporter par la foule, les capuchons de nos manteaux rabattus sur nos têtes. Les gardes ne paraissent pas particulièrement suspicieux. Le royaume de France est grand et nos ennemis ont sûrement perdu notre trace en une semaine.

Le crépuscule des VeilleursWhere stories live. Discover now