25. Le souffle de Dieu (1/3)

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 Je m'empare du bâton sur mes genoux et bondis sur mes pieds. Guy court vers son cheval. Fabrizio s'élance vers le côté gauche de la combe. Heinrich me tape sur l'épaule.

— Viens, ne traînons pas ici !

Nous fonçons sur la droite. Derrière nous, Geiléis se précipite vers João qui glisse à terre dans un gémissement, la main crispée sur le ventre.

Maintenant que l'heure de l'action a sonné, mon cœur galope aussi vite qu'un cheval. Nous sommes restés rassemblés pour forcer la Horde à apparaître à l'entrée de la combe. Cependant, pour la prendre au piège, nous devons l'encercler.

Je saute à travers les herbes hautes et les buissons le long du chemin escarpé. Les pierres roulent sous mes pieds. Je me faufile sous les branches basses. Nous avons dégagé un passage au cours de l'après-midi, mais des obstacles oubliés peuvent se transformer en chausse-trappe dans la lumière déclinante. Une douleur sourde se réveille dans mon côté droit ; je suis encore loin d'avoir recouvré ma forme.

Heinrich m'a déjà largement distancé. Je ralentis le pas pour économiser mes forces. Inutile de chercher à le rattraper. Le jeune Allemand possède le clou de Jerome et se chargera du Tissage. Je l'accompagne en soutien, pour garder ses arrières. Mes doigts se resserrent autour du gros bâton de chêne. João m'a aidé à en tailler la pointe et à la durcir au feu. Je regrette plus que jamais la perte de ma rapière, mais si les chasseurs veulent s'en prendre à Heinrich, ils auront d'abord affaire à moi.

Quelque part sur le versant d'en face, Fabrizio emporte le denier de Pontbréant. Geiléis reste à l'entrée de la combe avec la croix d'argent, comme troisième et dernier point d'ancrage de notre piège. Elle veille également sur João qui lutte sans doute en ce moment même contre l'appel du Grand Veneur. Une angoisse m'étreint. Pourvu que nous agissions assez vite pour le sauver !

J'atteins le sommet de la pente ; Heinrich est hors de vue. La gorge escarpée plonge sur ma gauche en un à-pic vertigineux. Des aboiements furieux s'élèvent presque sous mes pieds, à l'entrée de la combe. Déjà ? C'est trop tôt, bien trop tôt ! Je ne suis même pas en position !

La roche répercute les hurlements des bêtes en un écho terrifiant, comme si tous les chiens des Enfers se lançaient à nos trousses. Mes cheveux se hérissent. La meute sonne bien plus nombreuse que la dernière fois. Je songe à João et Geiléis restés près du campement, vulnérables. Des visions d'horreur de membres déchiquetés jaillissent dans mon esprit. Dieu, faites que la gardienne ne se soit pas trompée ! D'après elle, le Veneur considérera l'âme de João comme acquise. Elle estime que les chasseurs se lanceront vers leurs autres proies : Guy sur l'étalon, devant eux, et Heinrich sur la corniche.

Il était hors de question que le jeune Allemand reste à l'entrée de la combe. C'était bien trop dangereux pour lui. C'est également pour cette raison que je l'accompagne et que je trotte le long de cette crête, malgré les hauts cris de Geiléis : je lui sers de rempart. Je frissonne. Pourvu que Guy parvienne à entraîner tous les chasseurs derrière lui, dans le piège que nous Tissons.

Comme en réponse à mes pensées, la voix du Français s'élève, portée le long des parois dans la nuit tombante.

— Grand Veneur ! Toi qui es venu t'emparer de mon âme, je te mets au défi de la réclamer ! Ta misérable chasse ne m'attrapera pas, ni ce soir, ni jamais ! Mon cheval me portera plus loin et plus vite que vos montures efflanquées ! Tes pitoyables chiens crèveront d'épuisement avant d'avoir pu refermer leurs crocs sur moi !

Je frémis sous le mépris suintant des paroles. Je sais qu'il attise à dessein la colère du roi ténébreux pour détourner son attention, mais c'est lui qui court ce soir le plus grand risque.

Le crépuscule des VeilleursWhere stories live. Discover now