28. Un secret, révélé ? (1/3)

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 Les rayons du soleil plongent en couperets depuis le zénith. Je zigzague dans les rues encombrées, redoutant à tout moment d'entendre les cloches sonner sexte.

Le palais de Roanne se situe un peu au nord de la cathédrale, en plein cœur de l'un des plus anciens quartiers de Lyon. Cet édifice, siège officiel de l'administration royale à Lyon, ressemble plus à une riche maison bourgeoise qu'à une demeure princière. Il abrite également le tribunal ainsi que des prisons. Sa Majesté François y reçoit tous les matins une cour réduite, le temps de son séjour en ville.

Quelques marches conduisent à des portes largement ouvertes. Une série de gardes à l'entrée filtrent le flot des visiteurs. Ils saluent ma tenue de parfait courtisan avec respect tandis que je pénètre dans le grand hall. Un petit homme rondouillet au crâne dégarni s'approche et s'incline dans un froufrou de soieries et de brocarts d'or, un gros livre de cuir sous le bras.

— Puis-je vous aider, jeune damoiseau ?

— J'accompagne Monsieur de Tréveray qui doit être déjà arrivé.

— Ah, vous devez être Messire Deschamps. Je vois. Messire de Tréveray pensait que vous ne viendriez pas.

— J'ai été malencontreusement retardé. Pouvez-vous l'informer de ma présence ou m'indiquer où je peux le trouver ?

— Vous pouvez le rejoindre dans le grand salon. Suivez-moi, je vous prie.

Il me conduit jusqu'à une double porte ouvragée. Le battant s'ouvre dans une fluidité irréprochable sous la traction d'un serviteur. Le secrétaire s'incline une nouvelle fois pour prendre congé et je pénètre dans une vaste pièce tendue de tapisseries solennelles.

Sur une mer de mosaïques, des îlots de nobles seigneurs, tous plus richement habillés les uns que les autres, discutent dans un murmure de voix affables. Certains sont vêtus à ma manière avec pourpoint, hauts-de-chausse, bottes souples et rapière au côté, mais d'autres arborent des tenues bien plus extravagantes tout en fraises, collerettes et dentelles. Quelques dames en robes satinées égayent l'assemblée de leurs présences élégantes. Mes très rares apparitions à la cour datent de fort longtemps et je découvre, ébaubi, les nouvelles modes.

Je cherche Guy du regard au milieu de cette débauche de richesse et aperçois sa haute silhouette en compagnie de cinq jeunes nobles tous armés de rapières. Parfaitement à son aise dans cet environnement doré, il rit de bon cœur à une plaisanterie. Les yeux fixés sur lui, un soupçon d'appréhension au ventre, je navigue sur ces eaux bruissantes en direction du groupe. Mon compagnon me tourne le dos et ne m'a pas encore vu.

Je ne suis plus qu'à trois ou quatre pas lorsque l'un des jeunes hommes m'aperçoit et prononce quelques mots, inaudibles par-dessus le brouhaha des conversations. Guy pivote brutalement. Ses yeux fondent sur moi plus sûrement qu'un trait et me transpercent de part en part. J'ai du mal à déchiffrer toutes les émotions qui traversent son visage : surprise, soulagement, colère, remords, méfiance.

— Guy ? demandé-je, incertain. Puis-je te parler seul à seul un moment ?

Le Français se retourne vers ses camarades, s'excuse en quelques mots avec une courbette pleine de grâce élégante, puis m'attrape par le coude et m'entraîne à l'écart dans un froncement de sourcils.

— Que fais-tu ici ? questionne-t-il avec un certain agacement. Je t'ai attendu toute la matinée et tu débarques maintenant.

Il renifle mes cheveux et secoue la tête, atterré.

— En plus, tu sens la vase !

Foin de tergiversation, je décide de plonger à l'essentiel. J'affronte son regard courroucé et tente d'insuffler toute l'urgence de la situation :

Le crépuscule des VeilleursWhere stories live. Discover now