5. Hieronymus (2/2)

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— Eh bien, répond Heinrich, cela me paraît clair : nous demandons au Seigneur de soulever ses augustes pieds pour nous donner la relique – à condition de le croiser dans les environs – puis nous fouillons les multiples chapelles de ce monastère pour trouver un livre sacré. Un jeu d'enfant !

— Chut, je réfléchis sérieusement, moi, rouspète Guy.

J'ai beau me creuser la cervelle, je ne vois pas comment nous allons pouvoir tout rassembler avec si peu d'indices. La troupe quitte la ville au lever du soleil et nous devons partir avec elle. Je sautille d'un pied sur l'autre pour me réchauffer, sans qu'aucun éclair de génie m'apporte l'illumination.

Guy rompt le silence d'une voix pleine d'autorité assurée.

— Voilà ce que je propose : commençons par trouver la relique. Cela ne devrait pas être trop difficile.

— Pas difficile ? Tu en as de bonnes, toi ! grommelle Heinrich.

— Jerome faisait sans doute référence à une effigie du Seigneur. Je pense à une représentation du Christ, sûrement dans l'un des bâtiments accessibles aux pèlerins.

— C'est une hypothèse raisonnable, confirme l'Allemand, se prenant au jeu de la réflexion.

— Très bien ! Restons ensemble et examinons les parties communes. L'un de nous fera le guet. Cela vous convient-il ? demande Guy d'une voix sèche de commandement.

— Oui, Monseigneur, s'incline Heinrich sur le ton de la plaisanterie.

J'acquiesce d'un hochement de tête avant de me rendre compte que Guy ne me voit pas dans l'obscurité.

— Oui... mais nous n'avons pas de lanterne. Comment veux-tu que nous trouvions quoi que ce soit dans le noir ?

Guy étouffe un juron.

— Diable ! Je n'y ai pas songé ! Voilà qui va nous compliquer la tâche !

— Ah ah ! Pour une fois, c'est moi qui ai la solution ! Et en plus, je crois savoir où ce pauvre Hieronymus a facilement pu dissimuler sa relique, triomphe Heinrich.

Sans répondre à nos interrogations fébriles, le spécialiste des lieux nous entraîne derrière lui. Maintenant que mes yeux sont de nouveau acclimatés à la pénombre, je distingue les formes des arbres autour de nous. Le vent dans leurs branches les transforme en géants menaçants aux doigts filandreux. La lumière de la lune à son dernier quartier filtre faiblement à travers les nuages et baigne le paysage d'une pâle lueur diffuse. La masse sombre d'un bâtiment au toit pointu se dresse face à nous.

Nous nous arrêtons devant une porte de bois arrondie et je reconnais l'entrée de la petite église Sainte-Marie. Le battant s'ouvre en grinçant sous la poussée de Heinrich. Dans le silence nocturne, la protestation se réverbère entre les murs, enfle et s'expulse en râle de quelque géant de pierre agonisant. Nous pénétrons dans ce lieu de recueillement sur les pas d'une prudente circonspection. L'haleine froide de la nuit s'engouffre avec nous, les flammes des cierges vacillent.

Nous découvrons une chapelle assez ancienne à la nef ramassée autour de six rangées de bancs. La lumière jaunâtre danse sur les saints aux mines sévères alignées le long des deux collatéraux. Au fond de l'abside, Jésus nous domine, du haut de sa croix.

Hélas, nous ne sommes pas seuls. Sur le premier banc, deux formes sombres enveloppées dans de longs manteaux sont agenouillées en prière. Je retiens mon souffle. Nous sommes-nous stupidement jetés dans les griffes des Hospitaliers ? En y regardant de plus près, je reconnais avec soulagement les capes de pèlerins et les grands bourdons. Plongés dans leur méditation, les deux voyageurs ne détournent pas la tête.

Le crépuscule des VeilleursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant