Chap 1 - Vent d'automne

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   Elle avance sans bruit, son regard perdu, la tête courbée.  Ses longs cheveux bruns dissimulent sa physionomie.  Comme il l'a remarquée, cette posture semble chez elle une habitude.  Il s'interroge sur la couleur de ses yeux.

   Son pas est lent.  Enfin, il semble l'être, car elle marche au même rythme que les autres qui l'entourent.  Presque.  C'est comme une hésitation, un demi-temps de retard.  Une infime fraction de seconde d'incertitude dans sa démarche.  Elle semble ainsi non pas entamer un mouvement, mais suivre celui des proches passants qui l'accompagnent, ou plutôt qui l'entourent.  Elle fait le geste de marcher, simplement : un pied, puis l'autre.  Sortir de la bouche du métro, prendre la rampe souterraine qui grimpe la montagne, sortir à l'air libre, emprunter l'allée du rond-point, monter les marches devant le pavillon principal de l'Université.  Il connaît ce trajet : il le fait aussi lorsqu'il vient assister aux cours et qu'il délaisse sa voiture.  Il réalise même que cela lui arrive de plus en plus souvent !

   Un café à la main, son sac contre sa hanche, il est assis dans l'escalier.  C'est là qu'il l'attend, comme tous les matins depuis un mois, depuis le début de la session d'automne.  Sous les rayons du soleil de cette fin d'été qui ne se décide pas à partir, il aime la regarder arriver.  En fait, il l'a remarquée dès le premier jour où il a assisté, en auditeur libre, à l'un des quatre cours de littérature auxquels il s'est inscrit.  Depuis, elle l'intrigue.  Il est fasciné.

   Elle gravit les marches de béton et le dépasse sans le remarquer, comme toujours.  Quelle est la couleur de ses yeux ?  Elle se glisse dans l'ouverture de la porte qu'un jeune homme tient ouverte pour elle.   Elle ne lève pas les yeux vers le galant et s'éloigne.  Silencieuse.   Comme toujours.

   Un vent se lève, agitant les arbres qui en laissent tomber quelques larmes feuillues.  Il remonte le col de son manteau et admire la ville de Montréal qui s'étend devant lui.   

Il soupire.   Une feuille d'érable rouge vient se glisser à ses pieds.  Nouveau soupir.  Il la ramasse et fait rouler la tige entre ses doigts.  L'automne passera-t-il sans qu'il le sache ?

Il ramasse son sac pour se rendre à sa salle de cours.

Demain, souhaite-t-il.   Demain.

Clair-ObscurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant