Chap 25 : Étreinte

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.....
Elle s'est endormie, sans même avoir eu à essayer.
Elle s'est endormie, sans aucun cauchemar pour la déranger.
Elle s'est endormie, sans ressentir le vide l'entourer.
Et à son réveil, il y a quelqu'un à ses côtés.
....
Elle s'est endormie, là sur son canapé, la tête sur sa cuisse posée.
Elle s'est endormie, il ne ressent aucun mal au mutisme dans lequel il est demeuré.
Elle s'est endormie, il a attrapé son ordinateur et ses doigts sur les touches ont volés.
À son réveil, il constate le produit de son inspiration... il est étonné de sa productivité.
...
Elle s'agite doucement près de lui, sous la couverture polaire qu'il a posée sur ses épaules. Il referme et repose son ordinateur.  Sous les yeux d'azur attentifs, elle émerge de son sommeil.
— Bien dormi ?
Dormir... Cela fait des mois qu'elle ne connaît plus le vrai sens de ce mot.   Elle peut enfin répondre honnêtement à cette question :
— Oui.
Il remarque le ton de surprise dans cette réponse et cela le fait sourire de satisfaction.   À l'intérieur de lui naît un sentiment de fierté d'avoir réussi à lui offrir un moment de repos pour se ressourcer.   Il voudrait faire plus encore.

Elle se relève, arrange un peu ses cheveux et se frotte le visage pour enlever les dernières poussières de sommeil.  Elle plie la couverture et la pose au bout du divan, puis elle se lève pour s'étirer un peu.  À son tour, il se met debout.

Ils se retrouvent face à face et se dévisagent quelques instants.
Après une inspiration, il lui déclare calmement :
— Je ne peux pas ignorer ce que je vois.
Elle ouvre de grands yeux d'incompréhension, surprise par cette entrée en matière :
— Comment ? demande-t-elle d'une voix étouffée.
— Je vois qu'il y a quelque chose qui t'ennuie et t'affecte.   Quelque chose de grave.

Elle ferme les paupières.  Voilà : elle va devoir s'expliquer et tout raconter.  Raviver cette douleur qu'elle a pu oublier quelques instants. Ouvrir, en échange de ce répit, le livre de ses complaintes.   Dans sa poitrine, la boule d'émotions familière se forme et lui oppresse les poumons. Elle ignore si elle pourra y parvenir.

— Voilà, Louann, je voulais seulement t'assurer... si jamais tu as besoin de quelque chose, de quelqu'un... tu peux compter sur moi.  Je suis là.
Elle est soufflée par cette déclaration. Pas de questions ?   Il n'exige aucune explication.

Elle reste en silence si longtemps qu'il se demande s'il s'est bien exprimé :
— Tu vois, je veux dire...
Il pousse un soupir, que lui dire ? Je peux t'aider.   Qu'est-ce que j'en sais ?   C'est creux, c'est vide.  Mais, il est sûr et certain d'une chose :
— Je suis là.
Touchée, elle fronce les sourcils légèrement et plisse les yeux.   Elle cherche le sens caché de ces trois mots.  Ils résonnent en elle comme un appel inattendu.   Elle s'approche de lui d'un pas :
— Tu peux me redire cela ?
Capturé par le regard doré qui brille légèrement, il reprend en murmurant :
— Je suis là.
Un autre pas.  Elle le sonde en levant les yeux vers lui.  Il se penche vers elle.  Elle est si proche qu'il sent son souffle dans son cou.  Il est immobile, attendant la réaction de la jeune femme.

Louann sent son esprit hésiter... Son corps oscille au même rythme :
Partir
              Fuir
Oublier
             Rester
Se fier
             Se confier.

Il chuchote en penchant la tête à son oreille :
— Je suis là.

Le flottement de l'esprit et du corps s'évanouie,
Un moment de latence,
Deux soupirs,
Une tension qui s'étiole.
Le temps ralenti,
Un bourgeon d'espérance,
Le temps qui s'étire,
Toute crainte s'envole.

Un autre pas.  Pas un mot.  Elle pose sa tête sur le torse du jeune homme.

Jérémy sent son propre cœur qui bat comme un forcené alors qu'elle accompli ce geste d'abandon.   Sa tête est légère contre lui, il a peur de la faire fuir.
Comme elle ne bouge pas, il lève les bras et l'entoure avec douceur.  Sous la paume de ses mains, il ressent le battement affolé du cœur de Louann, comme un battement d'ailes.

Il pose son menton sur son crâne et ferme les yeux, savourant ce contact.   Dans ses bras, il la sent devenir plus lourde, plus confiante, plus présente et vivante.   L'oiseau affolé qui battait la chamade se calme.   L'étreinte se prolonge.

Petit à petit, son propre cœur s'apaise. Battement en écho.
Il est là.
Je suis là.

Clair-ObscurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant