Chap 24 : Tempo

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Affairé à préparer le thé, il la laisse découvrir son petit appartement à sa guise.  Elle observe les couleurs claires des murs et des tissus, l'immense divan en coin qui trône dans le salon, la télévision qui occupe un mur, les jeux vidéos éparpillés devant elle, près d'une manette.  Un portable se charge sur une table en coin et surtout le dernier mur qui est occupé par des tablettes qui débordent de roman, de recueils de littérature, de philosophie, de photographie et de revues.  La science-fiction et les histoires policières sont à l'honneur.  Mais elle y trouve aussi des livres de recettes, des partitions de musique.  Elle fait le tour de la pièce des yeux et découvre un piano synthétiseur dans un coin de la pièce.  Continuant sa découverte de la bibliothèque, elle replace du bout des doigts un ouvrage qui menace de tomber et parcoure les titres qui s'exposent sur les étagères.  Elle aime lire, du moins elle aimait.  La musique des lettres, l'amalgame des mots qui chantent et l'infinie symphonie des phrases qui dépeignent une réalité passée, présente ou à venir ; réelle ou fictive; révélatrice ou mystérieuse.

Sur une étagère, elle attrape un livre à la reliure blanche qui porte le titre de « Solitaire ». 

—Jérémy Jelmy... lit-elle en nom d'auteur.

—Oui, j'ai eu la chance de me faire accepter par cette petite maison d'éditions, répond-t-il en entrant au salon.  Ce recueil de nouvelles et aussi une intrigue policière. 

—Et c'est bon ? demande-t-elle en prenant place sur le divan avec le roman entre les mains.

—Pour moi, cela peut aller...  Tu pourras lire si tu aimes le genre d'histoire un peu imaginaire et poétique.  Mais, je te préviens : j'ai bien peur que le succès ne soit pas encore pour aujourd'hui.

Il dépose une théière argentée et ronde ainsi que deux verres aux décorations maghrébines.  Il verse le liquide chaud et parfumé, puis lui tend l'une des tasses.

—Merci Jérémy, dit-elle en posant le roman sur la table à café.

Elle hume l'infusion puis entoure sa tasse de ses mains comme pour s'y réchauffer.  Il s'assoit près d'elle avec son thé.

—Jérémy... répète-t-elle avec hésitation.

L'entendre dire mon nom, encore...

Il se tourne vers elle.

—Je suis désolée, poursuit-elle après avoir avalé une gorgée de thé.

—Désolée ?  Mais pourquoi ?

—Tu rates l'Université à cause de moi.

Il lève une main pour faire cesser ses excuses.

—Cela n'a pas d'importance.

Elle proteste de la tête :

—Mais voyons...

Il la coupe.

—De toute façon, je suis auditeur libre et... je ne vais pas à l'Université pour les cours, alors ne t'en fais pas.

Trop épuisée par les derniers jours... les derniers mois... elle ne trouve pas d'autres arguments.

Elle reprend de petites gorgées du thé.  Un thé à la menthe, chaud et sucré.  Une douceur dans la bouche, un repos pour la tête.  Jérémy démarre une musique relaxante et étend ses longues jambes sur la table à café.  Il pousse un soupir de satisfaction.  Elle l'observe et décide aussi de s'installer plus confortablement, de profiter de ce lieu paisible et habité d'une atmosphère si calme et accueillante.  Sa tête se pose sur le dossier et elle ferme les yeux.

Du coin de l'œil, il a remarqué son changement de tempo.  Il esquisse un sourire de bien-être.  Peu importe les raisons de son mal-être, il a réussi à lui offrir un havre de paix.  Un moment de quiétude. 

Pour elle.

Louann.

Clair-ObscurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant