Clair-Obscur

Chap 31 : Lumières

Les rues de Montréal sont illuminées par des milliers de lucioles multicolores qui miroitent dans les arbres, les fenêtres et les maisons.  Les citadins vont et viennent à la tombée du jour qui se fait de plus en plus tôt à l'approche du solstice d'hiver, pour le magasinage de Noël, les rencontres des Fêtes ou simplement pour le plaisir de se remplir les yeux de scintillements et retomber un peu en enfance.  Les adultes comme les jeunes tentent de profiter des activités hivernales même en pleine ville.  Des kiosques décorés aux couleurs de Noël poussent dans les parcs avec leur petits foyers de bois où les passants s'arrêtent pour se réchauffer tout en fredonnant les airs des Fêtes qui flottent dans l'air vif et froid.  Les flocons de neige viennent recouvrir la grisaille du Centre-ville et même la circulation habituelle prend des couleurs et des lumières plus joyeuses, les conducteurs se découvrant une patience angélique face à la foule grouillante qui ne diminue plus lorsque le soleil se cache.

Jérémy sait que Louann ne fait pas grand cas des Fêtes de Noël mais il réussit à la convaincre de l'aider à décorer son appartement en une avalanche de petites guirlandes de lucioles multicolores qui ajoutent un air guilleret au petit logement.  Bien au chaud dans le grand divan en coin, il l'accompagne dans la redécouverte de classiques de films des Fêtes hivernales.  Il lui allège l'esprit durant l'absence de son père, l'amenant faire du patin à glace, glisser en traîneau sur les pentes du Mont-Royal et il initie avec elle de nombreuses batailles de boule de neige.  Rentrant ensuite chez lui, les joues rougies et le bout des doigts et des orteils quelque peu glacées, il la saoule avec de la musique d'ambiance, des plats chauds et rassénérants qu'il lui cuisine, de chocolat chaud et de lait de poule. 

Elle accepte même d'ajouter quelques lumières de Noël à l'entrée de la maison de son père et à décorer les deux petits arbres qui l'encadrent.  Lorsqu'elle revient chez elle, chaque soir, elle admet que ces décorations sont définitivement joyeuses et accueillantes dans la noirceur précoce de l'hiver. 

Elle se laisse ainsi emporter dans le joyeux tourbillon crée par son ami.  L'absence de son père lui est moins lourde et elle est reconnaissante à Jérémy de son humeur enjoué, de ses efforts pour la faire rire et sourire.  Ses pitreries et ses idées loufoques ou innatendues lui apportent une bouffée de fraîcheur et de repos.

Ainsi, il la voit sourire et même rire parfois.  Il constate cependant que le coeur n'y est pas en tout temps.  Il y a encore un point de gravité qui l'empêche de se laisser aller, de se permettre de s'envahir totalement dans cette joie.  Il le voit à ses yeux, qui ont toujours une faille persistante, où la noirceur s'accroche et trône en conquérante. 

Un jour, il l'aidera à repousser cette obscurité qu'il a reconnu depuis qu'il a croisé son regard doré.  Il s'assurera d'y placer des lumières multicolores, pleines d'espérance et de douceur.  Il se le promet.

Je te le promets.