Chap 49 : Clarté

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Le bruissement de la pluie sur les carreaux de la fenêtre l'éveille au beau milieu de la nuit.  L'air humide et embaumé par les bougainvillées entre par la fenêtre entrouverte.  Il demeure un instant quelque peu déboussolé par l'ambiance et les ombres peu familières de la maison de location.  Cependant, la mémoire lui revient en une douce chaleur et il pousse un soupir en étendant son bras.   Mais sa main ne rencontre que les draps froids et un oreiller froissé.  Une légère incertitude naît dans sa poitrine.

Un rêve ?  Non, cette fois c'était réel... Louann ?

L'inquiétude au cœur, il se lève et enfile un short rapidement.  En passant dans le petit couloir, il inspecte rapidement l'autre chambre.  Le lit est vide.  Il n'a pas été défait.  Le sac de voyage de Louann sur la chaise est le seul témoignage de sa présence.

Un courant d'air l'attire vers le petit salon.
Avec un certain soulagement, il la voit.  Debout dans la pénombre, devant la porte-jardin vitrée entrouverte dont les rideaux virevoltent de chaque côté.  Les yeux perdus vers la mer qui s'étale en paysage, elle semble flotter dans la brise chaude qui agite son t-shirt trop large autour de son corps.  Ses cheveux sont relevés en un chignon lâche, qui laisse s'échapper une multitude de mèches frisées.
Il la regarde, un peu intimidé par son indiscrétion, mais il profite de la nuit qui, croit-il, le dissimule parfaitement.

Comme tu es belle.  Je ne pourrais plus me passer de ta présence dans ma vie.

La faible lumière qui émane des lampadaires du boulevard éclaire Louann en clair-obscur, découpant sa mince silhouette en une esquisse artistique. Il peut à loisir détailler ses traits et la courbe de son corps au travers du mince tissu qui l'enveloppe.

Au bout d'un moment, d'un mouvement assuré, elle tourne son visage vers lui.  La faible luminosité lui révèle un doux sourire qui lui est adressé.

Il fait sombre.
Elle est lumineuse.

Son coeur tressaute.  C'est le même sourire que plus tôt sur la plage.  Les mêmes yeux que tantôt dans ses bras.  Elle tend une main invitante vers lui.  Sans un mot, alors que le bruit de la pluie emplie l'espace autour d'eux par la porte ouverte, il franchit les quelques mètres qui les séparent.

Leurs mains se rejoignent puis leurs corps apprivoisés et insatiables.  Elle l'étreint un court moment avant de relever son visage vers lui.
— Tu te rappelles quand tu m'as emmenée au verger au début du printemps ? murmure-t-elle.
Il hoche la tête.  Bien sûr qu'il s'en rappelle.   Il a alors joué le tout pour le tout pour la ramener vers lui, la sortir de sa noirceur.
— Je me suis trompée, dit-elle pensivement.
Cette déclaration l'inquiète.   En quoi s'est-elle trompée ?

Il plonge ses yeux dans la dorure des iris de Louann.  Il resserre ses bras sur son dos, voulant démontrer son refus de la laisser aller.  Il est si près d'elle qu'il peut sentir la chaleur qui irradie de son corps.  Chaleur du soleil de la plage ou... Son propre organisme émet également une chaleur qui l'enivre.   Il réussit à articuler d'une voix rauque et inquiète :
— En quoi t'es-tu trompée ?

Son inquiétude est distraite parce qu'elle vient s'appuyer contre lui ; parce qu'elle cherche à nouveau ses bras ; parce que leurs chaleurs se mélangent en une douce saveur épicée et piquante ; parce que son esprit s'enroule autour de lui... Parce qu'elle continue déjà, d'une voix douce, sereine, tranquille :

— Quand je t'ai dit que tu ne pouvais pas me sauver... je me suis trompée.

Il pousse un soupir et ne dit plus rien.  Il la serre contre lui, humant dans ses cheveux l'odeur du soleil, du vent et de l'averse.  Elle est tout.  Elle est lumière.  Elle est devenue sa  lumière.
Il est inondé d'un bonheur quasi inadmissible.   Il l'étreint d'une force qu'elle lui redonne.   Une liberté et une confiance infinies.  Une réciprocité.

— Louann...
Les mots sont creux pour s'exprimer.
— Jérémy...

En eux, le Loup blanc règne en Maître, il s'émancipe de son obscur adversaire, il se reflète dans l'âme aimé.  Un sentiment d'éternité, de pérennité.  C'est ainsi lorsqu'un tout est à sa juste place, il n'y a plus rien à dire.
Juste à être.
À respirer.
À vivre.
À aimer.





FIN

Clair-ObscurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant