Chap 47 : Rythme

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Le temps estival arrive, avec ses journées qui ne semblent pas avoir de fin.

Montréal résonne des musiques et des festivals qui s'enchaînent durant les mois de juin et juillet.  Les rues du Centre-ville ne sont que rarement laissées à elle-même.  Le jour, les travailleurs et les touristes se côtoient en une foule bigarrée déambulant sur les trottoirs et les rues.  Le soir, les terrasses se font envahir pour des 5 à 7 qui s'éternisent.  Ensuite, l'animation des rues distrait les piétons qui règnent en maîtres dans plusieurs quartiers fermés à la circulation.  Puis, vient la faune de nuit qui surgit pour fêter.  À leur départ, aux premiers rayons de soleil, la première cohorte visible sera celle des éboueurs et personnel d'entretien qui rapidement feront disparaître les méfaits de la nuit, pour permettre aux rayons de soleil de se mirer à nouveau sur Montréal.

Le café où travaillait Louann est fermé pour rénovation et Jérémy a mis ses carnets et crayons dans ses cartons de déménagement.  Les ordinateurs sont au point mort, laissant la place au monde réel.  Dans cet été où la jeune femme reprend vie, ils participent et découvrent, partagent et se reconnaissent chaque jour au rythme de cette ville qu'ils vont tous deux bientôt quitter.

Et voilà que Jérémy réalise qu'il y a un rythme qu'il ne peut plus ignorer : celui de son cœur.  Il tressaute souvent lorsqu'il la rejoint et qu'il l'apercoit au loin, descendant la rue de son appartement, ou en attente de sa venue, à une table d'un café.  Il le sent prendre feu lorsqu'il la touche en marchant ou lorsqu'ils dansent au son des groupes qui se produisent sur les scènes extérieures.   Il cogne et frappe furieusement lorsqu'elle le regarde avec cet étincelle dans ses grands yeux dorés.

Pourtant, il ne dit rien.  Il se contente de sourire et de l'admirer, craignant parfois que ses propres yeux le trahissent ou que la main qui la frôle l'emporte sur sa volonté et sa résolution :
Être là pendant que tu te sauves toi-même.
Mais où en est-elle de son sauvetage ?

Il attend un signe, un appel.  Il ne veut pas la perdre mais ne veut pas non plus brusquer son équilibre.   Elle va bien... bien mieux.  Les rechutes sont de plus en plus rares.

Il s'est promis d'être patient.
Il a, par instant, l'impression que... son cœur à elle aussi s'emballe un peu.
C'est fugace, fragile comme une plume qui caresse une joue.  Un balbutiement.
Il est près d'elle et cela lui suffit.

De toute façon, comment lui dire ?  Bizarrement, lui si habile pour manier les mots de ses fictions et nouvelles, il ne saurait comment expliquer son état à Louann.  Même dans sa tête, au milieu de la nuit, les yeux sur les lumières de la rue et des voitures qui se déplacent sur le plafond, ses pensées se dérobent.   Comme une envolée d'oiseaux fugaces qui l'évitent et distraient l'ordre qu'il tente de leur donner.

Alors, le matin, il se lève avec une seule pensée claire : la rejoindre et la revoir.
Encore et encore.

Cela devient aussi obsessionnel que lorsqu'il voulait connaître la couleur de ses yeux.  Mais cette fois, c'est une couleur de cœur qui l'obsède.

Et son cœur tambourine... tambourine... d'un rythme lancinant.
Peut-être qu'aujourd'hui...

Clair-ObscurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant