Chapitre 6 - L'Art de la Guerre

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Après avoir effectué ma bonne action de la journée, je suis remontée à l'appartement récupérer mon sac et suis sortie prendre l'air. J'avais besoin d'air.

Vous savez, comme dans l'expression « Prendre un bol d'air frais ». Je l'aime bien, cette expression. Elle traduit ce manque qui sommeille en nous, comme si, soudainement, il était préférable de partir, de sortir, loin de toute contamination.

Loin de tout miasme. Et des miasmes, y'en a plein mon immeuble.

Chacun de mes voisins est une moisissure. Pas la gentille moisissure que l'on trouve sur le fromage et qui nous paraît délicieuse, non, non. Plus dans le genre du vilain champignon tout moche, toxique. Dans le genre moisissure verte qui pue.

Alors, je suis sortie quelque temps.

Je me suis assise sur un banc public comme on en trouvait tout plein dans le coin et j'ai regardé le ciel bleu laisser place à cette couverture grise arrivant progressivement au-dessus de ma tête.

Il va pleuvoir, autant rentrer.

Arrivant sur mon palier, j'entends un vacarme pas possible à hauteur de mon appartement quand je remarque la porte grande ouverte, calée par deux cartons se tenant juste-là.

— Hmm... Alors, mettez ça là-bas !

— La bibliothèque monsieur ?

— Dans le coin, vers le canapé tout moche. Seigneur... L'ancien locataire n'a-t-il donc pas fait le ménage avant de partir ? Regardez-moi cette couche de poussière.

Qu'est-ce que...

— Je peux savoir ce que vous faites au beau milieu de mon salon ? demandé-je en entrant, enjambant tout ce qui traîne ici et là.

Allons bon, voilà Monsieur « Je suis une pierre précieuse ».

— Oh ! s'étonne-t-il en se retournant pour me faire face comme s'il ne s'attendait pas à me voir arriver

— Vous ! Qu'est-ce que vous faites là ? Qui vous a donné les clés de mon appartement ? grogné-je.

— Vous voulez dire, les clés de MON appartement ? me reprend-il avec un demi-sourire amusé.

— Ça, ça m'étonnerait ! C'est chez moi ici.

— Ou plutôt « c'était » chez vous. Selon le bail je suis le nouveau propriétaire de cet endroit, ma foi... miteux. Un bon coup de peinture s'annonce nécessaire, dit-il en agitant un papier sous mon nez, non fier de lui.

— C'est scandaleux ! Donnez-moi ça, espèce d'escroc ! crié-je en lui arrachant la feuille des mains et plongeant mes yeux dessus.

— D'une, c'est une affaire des plus légale, de deux, j'ai acheté ce taudis à un bon prix, de trois... Vous avez d'horribles goûts, niveau déco.

Dites-moi que je rêve. Dites-moi que c'est un cauchemar.

Est-ce une sorte de punition divine, car je n'ai pas été gentille ? C'est ça ? On me punit maintenant ? Pourquoi ?

— Je vais de ce pas aller voir le concierge ! vociféré-je en gardant la feuille entre les mains, attendant de claires et vives explications de sa part.

— Mais faites donc... Je ne vais surtout pas vous retenir. Après tout, vous êtes chez moi, dorénavant.

Le papier en main, je me précipite dans la cage d'escalier, descendant les marches deux par deux, manquant de chuter à trois reprises.

Philippine - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant