Chapitre 36 - Sauver par le gong

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Je l'ai regardé, comme au ralenti, lançant sa jambe en avant, s'apprêtant à faire un pas en avant. Un pas vers moi. Je l'ai observé ne réduire à rien l'écart entre nos deux corps.

Je l'ai laissé faire, sans rien dire. Sans bouger.

— Dois-je comprendre que c'est un « oui » ?

— Je n'ai pas reculé à ce que je sache.

Peut-être aurais-je dû. Mais au fond de moi, je sais que je ne fais que repousser l'inévitable. Je ne fais que remettre au lendemain ce qui va se produire encore et encore.

Je ne peux pas fuir Olivier Joyeau.

Dans la vie, on se retrouve parfois coincé, pris au piège. On est là, tout béat, on cherche une solution, une porte de sortie, un moyen de fuir, mais notre corps ne bouge pas. Il s'y refuse parce qu'il sait... Il sait que ça ne sert à rien. Nos pieds sont ancrés.

Alors, au moment même où je le vois se pencher vers moi, au moment même où je comprends que si je vais aller jusqu'au bout de cette aventure qui m'attend là, avec lui, je suis comme sauvée par le gong. Mon moi intérieur sort un rugissement insoupçonné de par la voie royale tandis qu'Olivier recule, sceptique.

— Est-ce que tu...

— J'ai pété, oui.

Et je m'en excuserai pas. Je crois que ce sont les cacahuètes de l'avion qui ne passent pas. J'ai mal au bide depuis que nous avons mis un pied ici. Il me regarde d'un œil surpris avant d'éclater de rire, posant les mains sur ses hanches.

— Décidément, je ne m'attendais pas à ça. On ne me l'avait pas encore faite, celle-là.

— Il faut que je te laisse... J'ai un rendez-vous qui... m'attend.

— Oh, mais je ne voudrais surtout pas m'interposer entre les toilettes et toi.

Je ramasse ma valise et pars en courant jusque dans ma chambre, jetant ma valise dans l'entrée avant de me précipiter dans la salle de bain.

— Seigneur, j'ai cru que je n'y arriverais pas.

J'ai l'impression que mon corps s'exprime pour moi et que j'évacue enfin tout le stress et la tension que j'ai accumulés.

Maintenant que je me suis éloignée d'Olivier, je respire à nouveau.

Mon cœur s'est emballé et j'ai un mal fou à le calmer, à garder mon souffle sans faire des mini-crises d'apnée. Cet homme me tue à petit feu et je ne sais pas comment faire quand il est là. C'est comme être trop près d'un feu ardent.

Suivant ma folle péripétie, je me jette sous la douche pour tenter de me calmer et de reprendre mes esprits. J'ai besoin de faire le point. J'ai besoin de comprendre. De comprendre ce qu'il m'arrive. Pourquoi est-ce que je ressens tout ça ? J'ai chaud. J'ai froid. J'ai le palpitant qui danse. Ce n'est qu'un muscle, ce n'est pas censé régir mes décisions.

Reprends-toi, Philippine ! Allez, du nerf ma fille !

Je sors enfin de la douche, me vautre sur le lit avant de fixer le plafond comme une adolescente en peine amoureuse.

— Tu ne paies rien pour attendre, Olivier.

Comment cet homme peut-il me faire autant d'effet ? Je ne l'aime même pas, ou du moins, il est exécrable à souhait, mais... mais il y a un truc. Un je ne sais quoi que je ne peux pas définir. Quelque chose qui me retient à lui.

Un lien invisible.

Olivier est comme un vieux souvenir qui revient vous hanter après tant d'années tandis que vous pensiez l'avoir oublié.

C'est ça. Il me hante et je n'arrive pas à le mettre de côté. Je n'y arrive plus.

Toujours en peignoir, je continue ma natation dans ma mer de pensée tandis que l'on toque à ma porte.

— Philippine ?

Olivier ?

— Qu'est-ce que tu veux ? crié-je de l'autre côté de la porte.

— Tout va bien ?

— Oui ! Mais... euh... je ne suis pas disponible.

Je suis en peignoir, bon sang ! Laisse-moi le temps de m'habiller ou d'enfiler quelque chose.

Quoique...

Lui ouvrant la porte, j'aperçois ses petits yeux coquins descendre le long de mon corps le temps d'un bref moment.

— Je... je voulais savoir si tu voulais descendre manger quelque chose ?

— Bien sûr ! J'enfile quelque chose, j'arrive.

Je le vois rester à hauteur du pas de la porte.

— Entre ! l'invité-je avec un grand sourire.

— Ah ! Oui, pardon.

Il s'installe alors sur la banquette près du lit, tandis que j'attrape n'importe quelles fringues dans ma valise.

— C'est bon !

Ressortant de la salle de bain, non fière de moi, je remarque qu'Olivier pince ses lèvres, retenant un sourire amusé.

— Quoi ?

— Ton tee-shirt est à l'envers...

— Ah... Merde.

— Attends, laisse-moi t'aider. Bras en l'air !

Je m'exécute comme une enfant de dix ans et il profite de ce bref moment pour laisser ses doigts parcourir mes bras, mon ventre tandis que mon tee-shirt recouvre mon visage, m'empêchant de voir ce qu'il fait d'autre.

— Tu sais quoi ? J'ai un tout autre appétit, soudainement.

— Passons-nous au dessert directement ?

— J'ai cru que vous ne le proposeriez jamais, Mademoiselle Tagliani.

Crois-moi, il y a tant de choses que je peux te proposer encore.

— Je vais te montrer si mes performances sont juste « dans la moyenne ».

— T'es encore sur ça ? C'est mignon.

— Ça sera moins « mignon » après ce que tu vas vivre.

— Je t'attends !

Règle n°1 du parfait gentleman : on ne fait jamais attendre la demoiselle.

Philippine - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant