Chapitre 33 - S'envoyer en l'air

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Je l'ai senti à l'instant où j'ai abattu ma dernière carte. Ma bonne étoile s'est fait la malle. Là, m'abandonnant sur place, me livrant complètement à Olivier qui ne peut s'empêcher de garder son large sourire triomphant.

Je ne peux alors m'empêcher de saisir la gomme sur mon bureau et de lui jeter dessus.

— Mauvaise perdante !

— Pas du tout, je veux juste effacer ce sourire sur ton visage. Avoue-le, tu as triché.

— Il n'y a que toi, Philippine, pour t'abaisser à ce genre de méthode et je ne parle même pas de tous les coups bas dont tu es capable.

— Comment ça des « coups bas » ? De quoi tu parles ?

— Tu te jettes volontairement sur les gens...

— Faux, je fais don de mon corps à autrui.

— Tu pratiques la course de vélo...

— Uniquement parce que c'est bon pour la santé, apparemment. Tu comprends, je suis soucieuse du bien-être de notre planète, du coup, j'arrête la voiture.

— Tu fermes la porte de l'ascenseur au nez des gens.

— Pas de ma faute, ça se ferme avant que je ne puisse faire quoi que ce soit. L'homme contre la machine.

— Et tu as pratiquement réponse à tout, dit-il lassé en finissant sa longue et interminable liste de mes derniers méfaits.

— Non, je me fais gagner du temps dans l'espoir que tu oublies ce qu'il vient de se passer.

— Philippine... J'ai gagné et je ne suis pas près d'oublier. Maintenant...

Se levant de sa chaise pour contourner mon bureau, je tente une fuite rapide, mais me rends compte que mon propre mobilier me trompe et me coince.

Merde. Foutue plante en plastique !

— Il me semble que vous me devez un gage, Mademoiselle Tagliani.

— Ouais, enfin, je refuse de faire don de mon corps... Encore.

— Trop tard pour ça. Il fallait le préciser avant.

Il attrape les deux accoudoirs de ma chaise et approche son visage à quelques centimètres du mien, gardant ce même sourire fier. Heureux.

Sors de là, tu m'angoisses.

Trop de proximité me stresse.

— Prépare ta valise, toi et moi, on s'en va.

On s'en va ?

— On s'en va ? répété-je bêtement comme si mon cerveau se refusait à enregistrer l'information.

— On va s'envoyer en l'air !

Olivier marque volontairement une pause pour attendre ma réaction que je tente de contenir pour éviter qu'il ne profite de la moindre de mes failles.

— Je ne relèverai même pas.

— Et moi qui pensais que ça allait te détendre.

— Pour me détendre, il aurait fallu que je sois tendue. Bon... Tu m'expliques ?

Faisant alors l'aller-retour entre son bureau et le mien tandis que je range le paquet de cartes au fin fond de mon sac, le jetant allègrement dedans, Olivier revient avec un dossier sous le coude.

— Voyage d'affaires. Je te rassure, rien de romantique. Je ne voudrais déjà même pas t'inviter au resto. Je suis certain que t'es insortable et que t'es le genre de fille qui mange un plat bourré d'ail dès le premier rendez-vous.

— Faux, je suis de compagnie plutôt agréable et je ne mange pas de plat à base d'ail...

— Et les pâtes carbo ?

— N'insulte pas les pâtes carbonara si tu tiens à la vie.

Je regarde alors le dossier, ou plutôt le feuillette, en tentant d'enregistrer un max d'informations.

— Tu veux conquérir un nouveau marché ?

— Ouais et j'ai besoin de toi pour ça. Tu vas m'aider à monter ce projet, mais faut qu'on se bouge. Je veux griller la priorité à Judith.

N'en dis pas plus, j'en suis !

— Ok. Où est-ce que l'on va ?

— T'es d'accord, du coup ?

— Carrément. Honnêtement, tu m'aurais sorti ton baratin habituel, ça n'aurait pas pris, mais l'argument « Judith » a tout son sens avec moi.

— Parfait ! On part ce soir.

— Mais où est-ce que l'on va ? Réponds-moi, au moins.

Sortant du bureau en pouffant de rire, il s'arrête au milieu du couloir tandis que je le suis de près, m'obligeant à buter contre son dos.

— Direction les Philippines.

Ah ! Ah ! Très drôle. 

Philippine - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant