Chapitre 56 - Tu pousses le bouchon trop loin Maurice

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Mon armoire, c'est un peu comme mon frigo. Je l'ouvre, je regarde ce qu'il y a dedans et je soupire en me disant :

— Je n'ai rien à me mettre.

C'est affligeant.

Pourtant, quand je fais le point, je vois au moins cinq jeans, une dizaine de tee-shirts, trois shorts, au moins sept robes, deux jupes et huit chemisiers.

Mais malgré tout ça, je n'ai rien à me mettre.

Je regrette l'époque où le nudisme n'était pas de mise. J'aurais certainement aimé vivre durant ces moments-là, mais maintenant... Maintenant, dès que l'on voit un genou ou un décolleté, on s'offusque.

Dans une société devenant de plus en plus « libre », comment un bout de chair peut-il autant choquer les mœurs ?

Assise sur mon lit, les bras le long du corps, en sous-vêtements, je ne remarque même pas Olivier qui se trouve là, appuyé contre la porte.

— Autant la vision que j'ai devant moi me comble, autant ça fait dix minutes que t'es assise sur ton lit à fixer ta penderie. Tu ne trouves pas l'inspiration ?

— Je n'ai rien à me mettre.

Il arque un sourcil et s'approche avant d'attraper le premier short et le premier tee-shirt qui lui passent sous la main.

— Et ça ?

En fait, la majorité de mes affaires serait bonne pour une friperie. C'est soit trop petit, soit trop grand, ou alors dans une catégorie spéciale : « Je vais le mettre quand j'aurai maigri. ». C'est comme ça qu'une robe s'est retrouvée dans mon placard pendant des mois où je ne faisais que la regarder.

— Ce short est clairement trop petit.

— Pourquoi tu le gardes alors ? Donne-le, s'il est trop petit.

— Je sais, je sais. Je devrais faire le tri dans mon armoire, mais je n'ai jamais eu le courage. Déjà que ça me donne un effort surhumain pour repasser, alors trier !

— Parfois, je me demande s'il n'y a pas deux Philippine dans un corps.

— Tu serais surpris. On est tout un immeuble de Philippine.

— Quelle horreur.

Il dit ça sur un ton tellement naturel et dégoûté que je ne sais pas comment le prendre. D'ailleurs, il le remarque très vite étant donné qu'il s'empresse de détourner le regard et de se rattraper en choisissant autre chose.

— Et cette robe ?

— Tu crois vraiment qu'une robe est adaptée pour faire du ménage et des travaux ?

— Pas vraiment... Mais tu ne m'aides pas, aussi ! Choisis le premier truc qui te passe sous la main, de toute façon ce n'est pas un concours de beauté, on va juste bricoler et dépoussiérer.

— Toi, tu ne peux vraiment pas comprendre. Sors de ma chambre, maintenant.

— Quoi ? Mais pourquoi ? Je t'aidais jusqu'à présent.

— Olivier ? Présentement tu es aussi utile que le « i » de « oignon ».

— Rien que pour ça, tu mériterais de prendre le bus !

— Je sais que tu m'aimes !

À peine a-t-il franchi la porte qu'il se retourne brusquement et de son ton le plus boudeur, il me lance un :

— Justement, t'as bien de la chance ! Pour tout l'amour que je t'offre, je suis moins caressé que ton chat.

— Que veux-tu ? J'ai mes préférences.

— Il n'y a pas que lui qui a une longue queue.

Attendant de voir mon visage choqué lorsque je comprends son allusion des plus perverses, il s'en va pour rejoindre son petit frère qui l'attend certainement dans un coin.

Je devrais me dépêcher, peut-être qu'au final, juste un jean troué et un tee-shirt délavé feront l'affaire.

— Je suis prête !

Une demi-heure plus tard.

Ils ont l'air tous les deux particulièrement agacés même si Olivier ne se risque pas à me faire la moindre réflexion. De toute façon, il sait pertinemment que ça lui retomberait dessus d'une façon ou d'une autre et qu'il ne fait clairement pas le poids contre moi.

— Je sais que l'adage veut qu'il vaille mieux arriver en retard que moche, mais avec toi, Philippine... quoi que tu fasses... tu es en retard et moche.

Je vais tuer ce mioche. Vraiment. Je crois que j'arrive au bout du bout de mon quota de patience.

Tu dépasses les bornes des limites, petit, et tu pousses clairement le bouchon.

— Tu vois Timéo, moi avec un peu de maquillage, ça peut passer, mais toi, ta bêtise te poursuit. Tu ne devrais pas poursuivre des études pour au moins gagner un grain d'intelligence ?

— Tous les deux, dans la voiture. Maintenant.

Revoilà « Olivier le Terrible », celui qui nous menace de son regard noir et de son ton autoritaire.

— Et toi, tu vas te calmer aussi. Baisse d'un ton, ordonné-je à mon tour en le fusillant du regard.

— D'accord.

Olivier la victime.

— Tu la laisses vraiment te parler comme ça ? Mais t'es un gars, merde ! Rebelle-toi ! La place de la femme, c'est à la cuisine.

Machiste. Non, mais sérieusement, il vient d'où ce petit merdeux ?

— Et tu sais ce qui a sa place à la cuisine aussi, Timéo ? Les couteaux.

Et crois-moi, je serais bien tentée d'essayer mes derniers achats en céramique sur toi.

Psychopathe, bonjour !

Philippine - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant