Chapitre 21 - Rencard

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Je savais que le temps que je rentre chez moi pour me changer me rendrait de toute évidence en retard à la réunion. Mais tant pis. Je tente le diable. Je file. J'ai besoin d'une douche. J'ai besoin de quitter ces escarpins qui font de mes petits doigts de pieds des boudins... Une œuvre d'art de Picasso tant ils sont tordus dans tous les sens. J'ai besoin d'une pause loin de l'ambiance du travail, tout simplement. Une cassure.

Un peu comme une récré avant de retourner en cours pendant deux longues et interminables heures.

— Merde ! Mes boucles d'oreilles, elles sont où ?

Je ne sais même pas pourquoi je me fais aussi coquette. C'est juste une réunion. Une réunion qui fera d'Olivier son centre de gravité. Je pense que c'est juste un réflexe naturel. J'ai toujours appris à être bien habillée pour les grandes occasions.

Quelle grande occasion ?

Ce type s'immisce dans chaque aspect de ma vie. Il s'enracine et s'enroule autour de moi.

Troquant mes sandales pour des baskets, je me trouve nettement plus à l'aise dedans tandis que j'aperçois mon voisin, sortant de sa salle de bain, tout fringant.

— Vous sortez ? me demande-t-il à l'instant même où nos regards se croisent.

Sa question semble naturelle tandis que je le suspecte de se foutre de ma gueule, sachant pertinemment que nous allons nous retrouver sous le même toit dans quelques heures... Encore.

— Apparemment. Et vous ? Vous avez un rencard ? continué-je sur la même lancée.

— Avec une horrible bonne femme.

— Pas de chance pour elle.

— Je suis le plus à plaindre dans cette histoire, croyez-moi.

— Elle doit être aveugle pour avoir accepté de vous accompagner d'une quelconque façon que ce soit.

— Allez savoir, sans doute a-t-elle des œillères. Elle ne semble pas faire attention à ce qui l'entoure.

Attends, attends. Si tu as un message caché, mon gars, au lieu de jouer aux sous-entendus et de me faire marcher, dis-le-moi. Tu nous feras gagner du temps.

— C'est bien ce que je dis. Vous semblez avoir des goûts particuliers en matière de « femmes ».

— Disons que j'aime l'exotique.

— Vous m'en direz tant. Vous m'excuserez, mais vous me mettez en retard.

— Pourtant, vous ne l'êtes pas. Votre invité principal n'est pas arrivé avant vous, à ce que je sache.

— Pas encore, il paraît que c'est un homme aimant se faire attendre. Comme s'il se faisait un devoir de faire tourner le monde autour de lui-même.

— Un sacré personnage ! Vous aussi vous semblez avoir des goûts bien particuliers en matière « d'hommes ».

— Oh, mais je n'ai pas choisi. C'est un blind-date. On me l'a imposé.

— Vous pouvez vous défiler, vous le savez ?

— Ce n'est pas dans ma nature. Et puis cela serait lui faire trop plaisir. Je suis comme...

— Comme un caillou dans sa chaussure.

— Je n'aurais pas pu choisir meilleurs termes.

Un caillou dans la chaussure, ça s'enlève. Il suffit de s'asseoir sur le côté, de le retirer et on est reparti. Pourtant, Olivier semble s'entêter et se complaire dans cette relation des plus toxique. Il aurait pu réparer le trou dans le mur par exemple.

Mais il ne le fait pas. Il attend. Il attend je ne sais quoi, mais il semble attendre quelque chose.

— Étant donné que, de toute évidence, nous allons à deux rencards catastrophiques, que diriez-vous de s'accompagner mutuellement ?

— Houla, un élan de générosité de votre part ! rigolé-je en le voyant s'avancer vers moi. C'est rare.

— Justement, profitez-en avant que je ne regrette le simple fait d'avoir été gentil avec vous.

En le voyant tendre son bras à mon égard, je lui passe devant, l'ignorant totalement avec un demi-sourire.

— Merci, mais non merci.

Parce que tu crois vraiment que ton petit numéro prendra sur moi ? Et puis quoi encore ?

— Philippine ! Vous êtes désespérante.

— À ma plus grande joie ! Dépêchez-vous ou vous risquez d'être en retard.

— C'est ce que l'on va voir.

Du coin de l'œil, je le vois sortir précipitamment de l'appartement, se dirigeant en courant vers l'ascenseur tandis que je m'engouffre dans ce dernier en première, lui refermant la porte sous le nez.

— Oh ! Comme c'est dommage ! Il va falloir prendre les escaliers ! Ça vous fera perdre votre petit ventre de bière ! Cours pépère !

— Espèce de...

Désolée, Caillou, mais j'arriverai la première à cette réunion et crois-moi, ce n'est pas un petit partenariat de rien du tout avec tes beaux yeux qui m'effraie. Loin de là. Je te ferai regretter ton choix d'avoir jeté ton dévolu sur mon entreprise.

Philippine - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant