Chapitre 17 - Lundi matin, l'Empereur, sa femme et le petit prince

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J'ai une sale gueule. Je veux dire, n'est-ce pas normal en ayant passé la moitié de la nuit à réfléchir ?

Regardez-moi cette dégaine et ces cernes ! Ce n'est plus des cernes que j'ai, ce sont des fossés, des creux sous les yeux. Et je ne vous parle même pas de ce teint presque cadavérique. Si seulement ça pouvait être Halloween aujourd'hui, je n'aurais même pas besoin de faire le moindre effort sur le maquillage. Mon allure naturelle aurait suffi.

— Mon Dieu ! Quelle horreur ! me plaigné-je devant le miroir de la salle de bain.

Et il suffit de voir la réaction de mes voisins dans l'ascenseur avec leurs airs à moitié horrifiés ou surpris pour comprendre l'impact que je peux avoir sur les gens.

J'ai bien envie de crier « bouh ! » dès que la porte de l'ascenseur s'ouvre de nouveau à un étage juste pour voir la réaction de la personne, mais je ne suis pas d'humeur.

— Eh bien, il y en a une qui a clairement oublié d'utiliser sa brosse à cheveux.

Le petit commentaire, non discret, de Madame Roland me rappelle alors son existence que j'avais, l'espace d'un instant, totalement oubliée.

— Oh. Madame Roland, vous êtes là, vous aussi.

— Pourquoi ? Cela vous pose-t-il un problème ?

Aucunement.

— Pas du tout. Mais je comprends mieux cette odeur de vieux fromage. Raclette hier ou juste sandwich au reblochon ?

Il est évident que je profite de ce petit groupe d'humains nous séparant pour éviter de me prendre un quelconque coup.

— Toujours aussi désagréable.

— Non, naturellement charmante.

Arrivant au niveau du parking, tout le monde se précipite dehors tandis que j'attends tranquillement de pouvoir sortir.

On appelle ça l'effet « entonnoir ». Je ne sais pas si les gens sont au courant, mais un troupeau d'êtres humains ne peut pas passer par une porte de un mètre de large, voire moins. Ce n'est pas conçu pour. Alors, ça se pousse, ça se bouscule et enfin, ça sort en râlant et en lâchant des :

— Ne vous excusez pas, surtout !

Pourquoi faire ? L'amabilité, ça ne se trouve pas comme les vitamines et le fer dans les céréales. Dommage. Vous imaginez des céréales à base d'amabilité et de bonne humeur ?

« Happy Pop : boule de maïs au miel, un concentré de bonne humeur pour bien commencer la journée ! »

Voilà, je vous ai trouvé le slogan, maintenant inventez la formule.

— Honnêtement, Philippine, vous ne devriez pas sortir ainsi. Vous allez effrayer des gens, continue Madame Roland comme si elle n'avait que ça à faire que de me pourrir ma matinée.

— Que voulez-vous, la classe, on l'a ou on ne l'a pas. Ce n'est pas de ma faute si je suis née pour briller et avoir un look à la Lady Gaga.

— C'est un conseil d'amie que je vous donne !

— Eh bien, heureusement que nous ne sommes pas amies, alors !

Comment je pourrais être « amie » avec cette mégère de Madame Roland ? Elle passe le plus clair de son temps à me pourrir la vie. Cependant, je crois qu'en toute bonne Philippine qui se respecte, je le lui rends bien. Je pourrais faire l'adulte, l'ignorer parce qu'apparemment un idiot a dit un jour : « L'ignorance est la meilleure des défenses ». Franchement, celui qui a inventé ça... soit, il était très fort en méditation et c'était un grand adepte des tisanes, soit... soit, c'était un ignorant.

De nos jours c'est la jungle ! Que dis-je ! La loi du Talion ! C'est bouffer ou être bouffé ! Il faut se défendre, les gars !

— Riz-volution !

Ne me demandez pas pourquoi, j'ai dû abuser de la pub « Lustucru ».

— Vous savez, moi, à votre âge, je respectais mon aîné, rouspète-t-elle en espérant probablement que cela changera mon comportement.

— Tant mieux, écoutez... Moi, mes nénés vont très bien. Je ne pense pas les maltraiter, les pauvres.

— Quoi ? Mais non, triple idiote ! Les personnes plus âgées que vous.

— Ouais enfin, vous emballez pas non plus, on a que 10 ans d'écart, hein. Oh, d'ailleurs ! Ça fait quoi d'entrer bientôt dans la quarantaine ? Un pied dans la tombe, non ? Attention, madame Roland, à votre âge, la vie ne tient qu'à un fil.

— Je ne suis pas si vieille !

— Pourtant, à l'instant, vous sembliez prétendre le contraire. Sur ce, je m'en vais. Vous allez me mettre en retard.

— Dites tout de suite que je vous retiens !

— Tel un boulet à la cheville, oui.

Le lundi, c'est toujours comme ça et je pense que ça a été conçu comme ça... Le lundi, c'est une journée de merde annonçant une semaine de merde.

Sinon, on peut recommencer le week-end ? Je n'étais pas prête.

Philippine - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant