Chapitre 13 - Espionnage industriel

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Je n'ai rien vu de mon week-end. Samedi s'est envolé comme un pissenlit et je ne parle même pas de dimanche. Franchement, s'il n'y avait pas eu ce repas de famille, je crois qu'honnêtement, je me serais fait chier. Participer à ce genre de petite réunion met toujours du baume au cœur.

On vous rappelle que vous ne valez rien ou moins bien que votre voisin. On vous rappelle que vous n'avez pas votre place parmi un petit groupe bien défini. Et enfin, on vous prie de bien vouloir quitter l'assemblée au plus vite.

Alors, c'est tout naturellement que dès lundi matin, le même enfer se répète.

Le bordel dans l'ascenseur, les bouchons, les klaxons et la légendaire bonne humeur de mon patron.

— Philippine, est-ce que c'est vous qui vous occupez de traiter avec Monsieur Pao ?

— Normalement oui, pourquoi ?

— Il y aurait un souci à l'entrepôt sur la dernière commande, pouvez-vous vous y rendre rapidement ?

— Oui, bien sûr. Je termine ce dossier et...

— Que n'avez-vous pas compris dans « rapidement » ?

Parfois, je rêve d'avoir l'une de ces applications sur smartphone « Kick your Boss » ou un jeu du genre. Je pense que ça m'aiderait pas mal et ça aurait même des vertus thérapeutiques parce que là, honnêtement...

Il pousse le bouchon un peu trop loin, Maurice !

— Allez, Philippine, il faut y aller ! Monsieur Pao vous attend, me presse-t-il en tapant des mains comme s'il y avait urgence.

— Si vous pouviez avoir un quart de cet empressement légendaire quand il s'agit de nous déverser nos salaires à la fin du mois ! Mon Dieu, nous serions des employés heureux. Mais j'oubliais, c'est un mythe ça. Vous imaginez ? Un patron heureux, de bonne humeur, payant ses employés en temps et en heure, leur accordant des congés... Le rêve ! Mais bon, si ça existait, les syndicats de salariés n'auraient alors aucun travail à faire. C'est dommage ! Nous vivons dans un merveilleux système.

— Ça passe son temps à râler au lieu de travailler et ça parle d'égalité salariale. Il ne faut guère s'étonner après. Bon faut-il vous pousser pour que vous y alliez à ce rendez-vous, Philippine ?

Franchement, si ce n'était que moi, je te mettrais une gifle monumentale, là, devant les quelques pauvres personnes qui travaillent pour toi.

Des fois je vois vraiment mon patron comme une version masculine d'Ursula dans la Petite Sirène. Si elle a autant de succès, c'est qu'elle aide les pauvres âmes en besoin... Un peu comme lui. Si on pouvait tous aller voir ailleurs, on l'aurait fait depuis longtemps.

J'attrape donc mon sac à main et mes clés de voiture avant de me diriger vers les quais se situant à une vingtaine de minutes du bureau, là où Monsieur Pao m'attend.

— Philippine ! s'écrit-il en me voyant arriver comme si j'étais une sorte de héros à ses yeux.

— Monsieur Pao ! Quel plaisir de vous revoir ! Alors, dites-moi, quelle est cette affaire dont il est question ?

— J'ai un petit problème avec votre commande, j'ai un autre client qui s'y intéresse aussi et il est actuellement dans mon bureau, refusant de partir en prétextant pouvoir me faire des tarifs plus intéressants que les vôtres, me murmure-t-il dans le creux de l'oreille en toute discrétion.

— Encore un de ces petits jeunots qui viennent de s'installer sur le marché. Vous me laisseriez le voir ?

— C'est même dans l'espoir de cet entretien que je t'ai fait appeler !

— Parfait.

Parce que je n'ai que ça à faire ? Régler une querelle pour un petit arrivage de rien du tout ? Je rêverais d'avoir mes fesses posées dans un coin, tranquillement.

— Voilà le client en question ! Philippine, je te présente Monsieur Joyeau, dit-il en faisant les présentations, à peine étions-nous entrés dans le conteneur lui servant de bureau.

Dites-moi que c'est une blague ? Vraiment ?

— Monsieur Pao ? Vous pouvez nous laisser seuls un instant ? J'aimerais m'entretenir avec Monsieur Joyeau-qui-ne-brille-même-pas-un-tout-petit-peu, souligné-je en appuyant sur chaque mot.

— Tiens ! Mademoiselle-je-fais-la-gueule-tout-le-temps.

— Vous vous connaissez, tous les deux ? s'étonne notre client tandis que sa tête fait des aller-retour entre Olivier et moi.

— Non !

Crois-moi, mon gars, c'est clairement pas ton jour pour me faire chier alors tu vas prendre tes cliques et tes claques et laisser mon client tranquille.

— Croyez-moi, vous n'allez pas rester plus longtemps alors ne prenez pas vos aises, annoncé-je tout sourire en étant persuadée que j'allais me débarrasser de lui dans la seconde.

— Ah oui ? Et vous pensez que vous allez réussir à me sortir de ce bureau à coups d'arguments commerciaux ?

Et à grands coups de pompes dans le cul, ça marche ou pas ?

Philippine - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant