Chapitre 18 - M&M's et Docteur Mamour

6K 991 127
                                    

On dit que la vie est faite de choix. Prendre des céréales au lieu de deux tartines le matin. Porter un jean plutôt qu'une jupe. Faire le trajet en voiture ou en bus. Tous les jours, inconsciemment, nous calquons notre vie sur un rythme de choix méthodiques. On grappille des minutes par-ci, par-là en se disant, encore au lit : « Ouais, mais les céréales, ça prend moins de temps que griller le pain. »

« Une jupe, ça s'enfile plus facilement qu'un jean. »

« Le bus m'empêchera de me bouffer trente minutes de bouchons. »

Quoique... La dernière est peut-être fausse.

Alors, dans ma succession de choix du matin, j'ai tout bonnement décidé de ne pas aller travailler.

Direction l'hôpital.

J'ai besoin de voir mon grand-père, de m'assurer qu'il va bien, ou presque, même si je sais pertinemment que ce n'est pas le cas.

— J'ai gagné !!! entends-je subitement depuis le couloir.

Ou pas. Je retire ce que j'ai dit.

J'arrive alors à hauteur de la porte de sa chambre quand je le vois les bras en l'air, tout excité tandis que face à lui se tient une femme, probablement du même âge, ayant remonté ses cheveux en chignon.

— Oh ! Ma petite Philippine ! Mon petit trésor paradisiaque, que me vaut ce plaisir ? me fait mon grand-père en me remarquant seulement maintenant.

— Papy, tu n'as pas appris la galanterie à ton époque ? demandé-je alors en entrant dans la pièce.

— Philippine, je te présente Adélaïde. C'est ma compagne de jeu.

— Paul me parle tellement de toi, Philippine ! Enchantée, me dit-elle en me tendant une main que je m'empresse de saisir.

— Moi de même. Veuillez l'excuser, mais quand il joue, il a ce syndrome du mauvais perdant.

— C'est un excellent joueur, ne t'en fais pas, rigole-t-elle amusée.

— Bon, Philippine, tu m'emmènes ? Je crois que c'est l'heure de la visite.

— Tout de suite, chef !

Je salue Adélaïde et sa belle chevelure grisonnante, prenant mon petit papy dans les bras avant de l'aider à s'installer dans un fauteuil roulant qui est devenu son nouveau meilleur ami avec le temps. J'aimerais vraiment le sortir d'ici, lui offrir une autre vie. Une autre fin. J'aimerais...

— Elle est belle, hein ? me coupe-t-il avec sa question.

— Oui, c'est vrai. Tu la connais depuis longtemps ?

— Oh, un petit moment. Des fois on joue ensemble. Comment vous dites les jeunes, déjà ? Je la kiffe !

— Papy !

— Écoute, depuis le décès de ta grand-mère, je me sens seul moi et ce n'est pas parce que je suis vieux que je dois être délaissé.

Sur le moment, il ne le réalise peut-être pas, mais cette phrase me fait profondément mal. J'ai l'impression que depuis qu'il s'est fait hospitaliser, mon grand-père pense qu'on s'est contentés de le jeter dans cet hôpital en attendant qu'il passe l'arme à gauche pour l'héritage.

Philippine - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant