Chapitre 11 - Le dîner de cons

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Les repas de famille. Les longs et interminables repas de famille ou autrement appelés par le commun des mortels : « Faites entrer l'accusé ». C'est toujours dans ce genre de moment, quand tout le monde est à table, que l'on décide de ressortir devant l'assemblée une liste de tous tes vices, tes péchés, et en appuyant toujours sur le fait que contrairement à toi, qui déshonores la famille, certains, eux, sont un exemple à suivre !

Que dis-je... des saints sur Terre. Des modèles de comportement.

C'est pour ça qu'il y a toujours eu un fossé entre Capucine et moi, Philippine.

— J'ai cru comprendre que tu n'avais toujours pas eu de promotion au travail, Philippine ? C'est dommage que tu stagnes ainsi. Capucine est déjà directrice de sa branche, lance ma tante en se servant au moins son troisième verre de vin.

Directrice de sa branche ? Laissez-moi rire. Vu sa tête à celle-là, si l'homme devait descendre du singe, son singe à elle, il a dû en louper des branches, justement.

D'ailleurs, Capucine ne dit strictement rien, elle garde cette position de petite protégée. Elle a un sourire fier, la tête haute et le buste légèrement relevé.

Faux seins, va.

— Et sinon ? Toujours célibataire ? continue-t-elle tandis que je persuade actuellement mon for intérieur de ne pas lui balancer la vinaigrette à la figure.

— Il faut dire qu'avec un caractère comme ça, ça n'aide pas, aussi. De quelle partie de la famille elle a hérité, déjà ? demande mon oncle en riant.

— N'est-elle pas adoptée ?

Youhou ! Je suis là ! Vous vous souvenez ? Je suis assise juste devant vous.

Si l'ongle Bertrand et la tante Nadège s'en donnent à cœur joie pour m'enfoncer plus bas que terre, les autres, eux, ne disent rien.

— N'as-tu rien à nous raconter ? Tu ne viens que lors de ce genre de moment et tu te contentes de garder le silence ? persiste ma tante en prenant un malin plaisir à m'observer du coin de l'œil sachant pertinemment que je risque de l'envoyer se faire voir à tout moment.

Ah, parce que ça vous intéresse ? Pardon, je n'avais pas compris ça comme ça.

— Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ?

Un vrai tribunal. Maintenant que chacun s'est lâché, voilà qu'on passe à l'accusation de cette pauvre Philippine, seule contre tous.

— Mais parle, bon sang ! Tu as bien une langue ! Mon Dieu...

— Il faut l'excuser, elle est sûrement troublée du fait que Robert m'ait demandée en mariage. Tu veux voir ma bague, chère cousine ? fait ma cousine en agitant sa bague devant moi comme si ça me faisait quelque chose.

On dirait une bague de Kinder surprise.

—Ton caillou ? Non merci. Il m'éblouit d'ici. Je vais finir aveugle avec ta pacotille. Tu sais, Robert, on dit que se marier, ça revient à se passer les bracelets, hein ! Choisis mieux ton bijou la prochaine fois, fais-je en tentant de garder une expression des plus neutre possible.

— Comment ça, la prochaine fois ? Qu'est-ce que tu insinues ? me demande alors le principal intéressé, posant sa fourchette sur le bord de son assiette.

— Moi ? Oh rien. Juste que ta future femme a des faux seins, qu'elle est sortie de la clinique avec son patron, je l'ai vue par inadvertance il y a deux mois. Ah oui, aussi, vous me demandez d'utiliser ma langue, mais faites attention, ici certaines sont baladeuses. Alors, « chère cousine », ça fait quoi de lécher toutes les sucettes de la ville ? T'en trouveras une à ton goût un jour, j'espère.

Mon oncle et ma tante me regardent, abasourdis.

— Quant à toi tonton, mettre une perruque ne cachera pas ta calvitie et toi, ma tata d'amour... Pardon, j'ai failli m'étouffer... Tu devrais surveiller ta ligne. T'es à combien, là ? 95 kilos, non ? T'en as pas pris 15 depuis la dernière fois ? Grand-père m'a dit une fois que tu t'étais mise au Yoga, mais je crois que tu devrais changer de cours... Ou de prof. Telle mère telle fille, comme on dit. Ça mange à tous les râteliers ici.

Je m'essuie délicatement le coin de la bouche avant de me lever de la table, posant ma serviette à côté de moi.

— Je suis limite contente d'être considérée comme une « adoptée », je n'aurai pas vos gènes, comme ça. Ça me rassure, vous n'imaginez pas à quel point ! Apparemment, le gène de la connerie, ça se transmet.

— Où... où est-ce que tu vas ? bafouille ma tante qui tente de se lever de sa chaise sans grand succès.

— Chercher la suite dans la cuisine, apparemment on mange une dinde.. fourrée comme tata et Capucine se font fourrer.. Ah ! Et une bouteille dans le bar de papy, aussi.

Pardonne-moi grand-père, mais là, j'ai besoin d'un petit remontant et tu sais aussi bien que moi que je ne tiendrai pas sans ça.

— Quitte à participer à un dîner de cons, autant le faire avec quelques grammes d'alcool.

— Vous avez encore quelque chose à me dire ou je peux y aller ?

— Reviens ici, jeune fille !

Dans tes rêves !

— Au fait, quelqu'un veut quelque chose à boire tant que je suis debout ? 

Philippine - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant