Chapitre 38 - Vie de merde & Calimero

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Elle s'est installée volontairement en face de moi, sortant ses plus beaux stylos pour me les mettre sous le nez tandis que je n'ai qu'un vulgaire bic en main. Un stylo, un bloc-notes et toute ma confiance. Voilà de quoi je suis armée.

En face, j'ai des stylos gravés surmontés d'une petite perle de Tahiti. Un dossier de couleur rouge, un carnet joliment décoré.

Nous ne jouons définitivement pas dans la même catégorie, mais qu'importe. Aujourd'hui est le jour où le titre de « Croqueuse des affaires » se joue.

— Vous me paraissez bien à l'aise, Philippine. Avez-vous confiance en vous à ce point-là ?

— Je préfère être détendue qu'avoir cet air trop sérieux qui est le vôtre. Apparemment, à trop faire la gueule, on attrape des rides plus rapidement. Ceci explique cela en vous voyant, je ne m'inquiète pas... D'ici une dizaine d'années, vous ressemblerez certainement à l'un de ces Sharpey.

Judith s'apprête à me répondre quand notre client nous reçoit enfin. Un grand sourire jusqu'aux oreilles.

— Mesdames...

Son accent anglais n'est pas parfait, mais il me convient parfaitement. Le mien est « so frenchy! ». C'est à peine si je ne dois pas dire la moitié des mots en crachant.

— Je m'excuse de mon retard, j'ai été retenu à ma précédente réunion. J'espère que votre premier contact s'est bien passé.

— Mais oui, totalement. J'apprenais justement le fait que Mademoiselle Tagliani est la secrétaire personnelle de Monsieur Joyeau, glisse subtilement Judith en souriant.

— Oh ? Monsieur Joyeau ne se joint pas à nous ? Faut-il l'attendre ?

— Mille excuses, je sais que cela ne se fait guère, mais Monsieur Joyeau a été appelé pour une affaire des plus urgente. Il vous a laissé sa meilleure collaboratrice et il espère ainsi que vous comprendrez, sans lui en tenir rigueur.

— J'espère que cela n'est pas grave.

Croyez-moi mon, brave Monsieur, je l'espère aussi. Je ne peux qu'imaginer toutes sortes de scénarios me traversant l'esprit et dans aucun d'entre eux, le pire ne se produit. C'est peut-être ça mon problème, en fin de compte : j'oublie parfois la réalité de ce monde.

— Dans ce cas, commençons. Il me tarde de savoir ce que vous avez préparé pour aujourd'hui !

— Puis-je vous présenter un petit diaporama de quelques minutes ?

La sal... Non, Philippine, pas de gros mots. On souffle, on respire. Tout ira bien. Cette réunion, tu vas la déchirer.

Elle a vraiment bien fait ses devoirs pour aujourd'hui tandis que moi j'arrive avec mon improvisation et le peu de talent que je peux avoir dans ce domaine. D'ailleurs, elle ne cache en rien son petit air satisfait quand elle nous présente son PowerPoint un peu trop pointilleux pour moi.

Je suis certaine qu'au lycée, Judith était le genre d'élève à tout miser sur le PowerPoint pour les exposés.

— Très bien. Je prends en compte tout cela. C'est intéressant cette façon que vous avez de présenter le marché asiatique. J'aime beaucoup.

Un point pour Serpentard. Un !

— À votre tour Mademoiselle Tagliani.

— Certainement.

J'ai le trac. Soudainement, j'ai le trac. Je stresse comme une ado prépubère se préparant pour son premier rendez-vous. J'étais arrivée confiante et là, en l'espace de quelques secondes, ma confiance s'est ébranlée.

Philippine - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant