Chapitre 15 - Il est frais mon poisson !

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Ayant passé le plus clair de ma journée à me rouler par terre, je ne suis même pas retournée au bureau après en avoir fini avec Olivier. J'ai pris la voiture et je suis rentrée chez moi, auprès de Bora. Il y a au moins un être sur cette Terre qui m'apprécie comme je suis.

Bora, qui a clairement pris l'appartement pour son terrain de jeu, s'amuse à passer d'un appartement à l'autre.

— Bon minou ! Frotte-toi encore un peu au canapé d'Olivier, pouffé-je en le voyant faire ses griffes et se rouler dans le salon de mon concurrent.

Récupérant ma bestiole avant que mon cher et tendre voisin ne rentre à son tour, je m'installe sur le canapé, enlevant mes talons et mes bas tout en me débarrassant de l'entrave ultime dans la vie d'une femme : mon soutif.

Libérée !

Quel bonheur ! Je crois que les hommes ne connaîtront jamais ce moment magique quand on enlève un soutien-gorge qu'on a alors porté toute la journée. C'est horrible, mais ça fait tellement du bien quand on le jette dans un coin de l'appartement.

— Vous avez l'allure d'une vache mettant bas tellement vous avez les jambes écartées, remarque Olivier en posant ses clés à l'entrée tout en commençant à défaire sa cravate de ses doigts.

— Je me mets à mon aise, je suis chez moi. Et vous ? Je vois que vous rouler par terre est dans vos hobbys, vu la tête de votre costume fait sur mesure. Auriez-vous eu des problèmes aujourd'hui ? demandé-je, intriguée de savoir quelle vive réponse je vais me prendre dans la figure.

— Ne faites pas l'innocente. Vous me devez réparation !

— Pourquoi ? Je n'ai rien fait.

— Vous avez déchiré ma veste.

— Et donc ? Vous ne savez pas utiliser vos mains et vous servir d'une aiguille ?

— Je pensais que c'était votre truc, les aiguilles, vu comment vous aimez piquer les gens.

— Désolée, je ne pique que lorsque je me sens agressée. Un peu comme une abeille.

— Encore faudrait-il que vous ayez l'utilité d'une abeille.

Aïe. Mon égo.

— Je vais prendre ça comme un compliment de la part de quelqu'un qui est manchot et ne sait pas se servir de ses deux mains. Pourtant, avec des paluches pareilles, vous devriez être habile, non ?

— Disons que je sais m'en servir sous certaines circonstances, rajoute-t-il avec un sourire en coin.

— Oh, par pitié ! Évitez-moi le dialogue machiste sur le « Je suis un dieu du sexe et je fais des merveilles avec mes mains. »

— Dixit la femme qui m'a hurlé que plus d'un homme serait heureux de l'avoir sur lui.

—Ah ! Vous m'avez entendue.

— Il est difficile de vous rater avec votre voix nasillarde de poissonnière des marchés.

— Au moins, je le vends, le poisson, moi, je ne lui ressemble pas.

— Ça veut dire quoi, ça ?

— Que vous avez l'allure d'un thon.

Et pan ! Prends-toi ça dans les dents.

Crois-moi, mon petit gars, tu n'es pas équipé pour me faire face. Tu peux te faire des illusions, mais nous jouons dans deux cours différentes depuis le début.

— Je préfère être un thon que cracher mon venin comme une vipère.

— Décidément, que de compliments en une seule soirée. Vous me comblez, souris-je tandis qu'il reste planté dans l'encadrement béant du trou que j'ai fait.

— Comment faites-vous pour tout prendre à la légère de la sorte ? Vous savez, Philippine, si vous étiez un peu moins odieuse et aigrie, je vous plaindrais.

— Oh, mais gardez donc votre pitié et votre fausse sympathie. J'ai toujours été seule et je l'ai toujours très bien vécu.

Et honnêtement, si je n'avais pas eu ce don de Dame Nature de tout tourner à l'autodérision ou au second degré, je pense qu'avec toutes les merdes qui m'arrivent constamment dessus, cela ferait longtemps que je serais passée par-dessus mon balcon.

Il n'y a rien de drôle dans ce que je vis, ni dans ma vie elle-même. Je suis une personne profondément seule qui a la haine contre le monde entier et qui ne s'en cache pas parce que le monde est beau et tout gentil avec tous les autres, sauf avec moi. Les gens m'énervent parce que secrètement, je les envie. J'envie leurs petites vies parfaites.

Moi aussi, je veux des amis. Moi aussi, je veux une famille aimante. Moi aussi, je veux avoir des rêves à accomplir. Des objectifs à atteindre.

Moi aussi, je veux aimer. Quelqu'un. N'importe qui.

Alors, pour ne pas jouer la misérable, j'ai développé cette facette. Celle de Philippine, l'odieuse célibataire et l'éternelle insatisfaite. C'est un rôle qui me va depuis si longtemps que je ne saurais m'en défaire. Il est trop tard pour moi. Je suis, comme qui dirait, une « cause perdue ».

— C'est bien ce que je dis, j'ai pitié de vous, Philippine, souffle Olivier en me tournant le dos.

Parfois, je ressens exactement la même chose pour moi-même.

Philippine - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant