Chapitre 58 - Partenaires dans le crime 2

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Je le savais. En laissant Olivier partir sous prétexte d'aller à l'épicerie, pour en réalité me donner du temps avec son petit frère, n'est pas forcément la meilleure idée que j'ai eue de ma vie.

Je ne sais pas comment parler aux gens. C'est trop difficile comme tâche. Vous pensez un mot, vous le dites et là... c'est le drame. On vous fait indirectement comprendre, ou pas, que vous venez d'insulter votre interlocuteur. Les mots ont un sens, une valeur, et honnêtement ? Tout ça m'ennuie terriblement. Je ne suis pas le genre de fille faite pour ça.

Alors pendant que je range quelques babioles par-ci, par-là, Timéo s'installe confortablement dans le canapé, croisant les jambes sur la table basse, et me regarde m'agiter autour de lui sans lever le moindre orteil pour moi.

— Je pensais que t'allais m'aider ?

— Ça fait seulement plaisir à Olivier de croire qu'actuellement, toi et moi, on passe un petit moment. Je ne suis pas con, j'ai beau avoir mes écouteurs dans les oreilles, je vous entends. Tu veux jouer à la thérapeute avec moi ? J'ai hâte de voir ce que ça va donner.

— Tu sais qu'il s'inquiète pour toi ?

— Y a pas de raison de s'en faire. Personne n'est mort à ce que je sache.

— C'est quoi ? T'es dans ta période « rebelle » ? Tu joues au bad-boy pour impressionner une demoiselle ?

Un bref instant, son regard se perd ailleurs et il évite tout contact visuel avec moi.

C'est donc ça.

Le syndrome de la demoiselle qui vous met en détresse.

— Tu t'es fait larguer ?

— Pas tes affaires !

— Ouch ! Elle a dû voir ton caractère de cochon sous tes petites bouclettes blondes. Si tu ne fais pas d'efforts et que tu joues à l'huître... tu n'auras aucune moule à pêcher.

— Quoi ? Oh, c'est complètement dégoûtant. S'il te plaît, pour notre bien-être à tous les deux, ne te positionne pas sur ce sujet-là. Tu devrais t'occuper de mon frère plutôt que de moi.

— Oh, mais je m'occupe de lui. Souvent.

— Je ne veux pas savoir.

— Tu as raison. Il ne vaut mieux pas, cela pourrait réellement choquer ton âme de petit agneau sensible.

— Tu sais quoi ? Au lieu de parler de ça, je devrais t'aider, hein ?

— Tu veux juste éviter le sujet.

— Non, je veux juste pas en parler avec toi. Nuance. Après tout, t'es qui pour moi ?

Si je n'avais pas les mains prises par diverses affaires, je crois que ma paume serait allée en rendez-vous amoureux sur sa joue.

— Claire.

— Quoi, « claire » ?

— Elle s'appelait Claire.

Ah bah faut savoir ! Soit tu me parles, soit non. Ne me mets pas entre les deux.

— En tout cas, c'est clair comme de l'eau de roche qu'elle t'a brisé le cœur.

Et nous soulignons l'effort monumental que je viens de faire concernant ce jeu de mots !

— C'est nul.

— De quoi ?

— Ta blague... elle est pourrie.

— Mais elle t'a fait sourire et ne le nie pas, je viens de voir un léger rictus.

Il s'empresse alors de regarder ailleurs, comme précédemment, et va même jusqu'à changer de pièce.

— Tu peux te cacher, Timéo, ça ne change rien !

— Je ne me cache pas ! Ce n'est juste pas productif d'être deux à ranger la même pièce. On n'avance pas.

— Si tu cherches des mouchoirs pour essuyer tes larmes de crocodile, c'est dans le placard, à droite de la gazinière.

— Je ne pleure pas !

— Non, mais je dis ça, je ne dis rien.

J'aurais bien aimé voir sa tête à l'heure actuelle. Juste pour savoir.

Au final, Timéo partage réellement des traits communs avec Olivier. Cette façon d'être, de se renfermer quand ça ne va pas, d'envoyer chier le monde, cette répartie presque légendaire plus développée chez le cadet que chez l'aîné.

— Tu sais, les peines de cœur, ça arrive à tout le monde. Les gens pensent que dès qu'ils vont tomber amoureux, ça va être l'amour fou et que cette personne ne vous quittera jamais, mais c'est faux ! Faute aux romans à l'eau de rose, je présume. Tu trouveras une autre fille et tu verras, à partir de là, ça commencera à aller mieux.

Dit-elle alors qu'elle est restée célibataire un petit moment de se risquer à nouveau. Quoique... cette fois-là, Olivier, je ne l'ai pas vu venir.

— Philippine ?

— Oui ?

— T'es peut-être plus utile que ce que je ne pensais.

— Je vais prendre ça pour un compliment.

— C'est le seul que je te ferai.

Mais d'un certain côté, ça me fait plaisir. Je ne sais pas pourquoi. Clairement, Timéo me sort par les trous de nez et autres trous de mon corps visiblement, mais savoir que je lui rends service ou que je l'aide, à ma façon, semble me réjouir.

On est bizarre, finalement.

— Néanmoins, je continue à te détester.

— Je n'en attendais pas moins de toi. Tu sais, mine de rien, je trouve que toi et moi, on devrait s'allier.

— Pourquoi ?

— Ton frère est parti à l'épicerie, seul, comme ça il ne fait pas le moindre effort, s'évite toute fatigue en prenant le côté facile

— N'en dis pas plus. Je te suis.

— Sérieusement ?

— À la base, ce traquenard c'est son idée, non ? Autant lui faire payer.

Timéo revient alors vers moi, une boîte sous le bras, me tendant une main.

— Partenaires dans le crime ?

Tel frère... tel frère.

— Partenaires ! 

Philippine - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant