Chapitre 35 - Être dans la moyenne

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Après des heures de voyage qui m'ont paru interminables entre les ronflements de Clitorine, les réflexions d'Olivier et les coups de pied de Mélodie, je n'ai pas pu m'empêcher d'applaudir l'avion à l'atterrissage.

Non pas que je félicite le pilote de faire son boulot, mais je me félicite moi-même d'avoir survécu sans avoir étripé personne même si plus d'une fois j'en ai rêvé.

Si on s'est séparés de Clitorine dès l'aéroport, j'ai dû suivre dans un silence presque religieux un Olivier aux traits fatigués.

— J'espère que tu as au moins songé à nous prendre des chambres séparées.

— Non, une chambre avec un lit deux places. Largement suffisant pour nous, tu ne crois pas ?

Je le regarde en arquant un sourcil et en essayant de deviner en fonction de son expression s'il blague ou s'il est des plus sérieux. Difficile à dire, avec lui, les deux versions sont possibles.

— Bien sûr qu'on aura des chambres séparées, Philippine ! Il ne manquerait plus que je doive dormir avec toi.

Il lève les yeux au ciel en disant cela sur un ton des plus exaspéré. Que suis-je supposée comprendre ?

— Tu ne sais pas ce que tu rates en disant ce genre de chose.

— Dois-je comprendre que tu m'invites dans ton lit ? C'est une proposition tout à fait indécente.

— Depuis quand cela te gêne-t-il ? N'était-ce pas indécent de faire l'amour au milieu de mon salon sur le tapis ?

— Mon fantasme à moi c'est plutôt une douche ou une baignoire.

— Même pas en rêve... Ma baignoire, tu ne l'auras pas.

Enfin ! Je pense apercevoir un léger rictus de sa part. L'ombre d'un sourire qui apparaît tel un rayon de soleil après une sombre pluie.

— Je peux avoir beaucoup de choses si j'y mets du mien, tu sais ?

— Ah ouais ? T'es le genre de mec à réussir à faire plier le monde ?

— Le monde, je n'en sais rien, mais toi, je t'ai fait plier.

— Que tu crois.

— Avoue que ça t'a plu ce que l'on a échangé.

— Ouais enfin, ce n'était pas incroyable non plus.

— Comment ça, ce n'était pas « incroyable » ? Tu me dois deux ou trois moments de plaisir, il me semble !

— C'est bien ce que je dis... C'était... dans la moyenne. L'effort était respectable, en tout cas.

Ô Olivier, n'apprendras-tu jamais ta leçon ?

Tu sais très bien que sur ce terrain-là, il y a bien longtemps que tu as trouvé un maître en moi.

« Provocation » est mon troisième prénom après « Mécontentement ».

— Dans la moyenne... Ah ! Ce qu'il ne faut pas entendre. Je n'ai jamais été « dans la moyenne ». Dans ce que je faisais, j'ai toujours été le plus performant ! Surtout dans ce domaine-là !

— Tu sais, les baisses de régime, ça arrive à tout le monde, ce n'est pas grave.

— Si, c'est grave !

On entre dans le hall de l'hôtel tandis qu'Oliver reste complètement sous le choc de la nouvelle. Il a du mal à faire abstraction de ce genre de chose et je pense que son égo masculin, bien trop important, parle en majorité pour lui.

Il prend les clés des deux chambres et on poursuit notre conversation dans l'ascenseur.

— Mon pauvre Olivier, tu te soucies trop des petites choses sans importance... Tu as eu un moment de faiblesse, c'est tout.

— Sans importance ? Moment de faiblesse ? Chercherais-tu à m'achever ?

— Crois-moi, si c'était le cas, je te dirais certainement que j'ai été bien plus satisfaite avec un autre. Ah oui ! Quelle nuit. Quel moment.

— Tu sais quoi ? Je ne suis pas d'accord.

D'un mouvement brusque et sauvage, il s'empare de mon visage entre ses mains et m'embrasse, poussant sa valise du pied comme si elle le gênait. Malheureusement, ce baiser, aussi fougueux soit-il et me paraissant durer une éternité, se retrouve interrompu par les portes de l'ascenseur qui s'ouvrent sur nous, nous obligeant à nous séparer à la hâte.

J'en ai le souffle coupé. Mon cœur palpite à une allure que je ne connaissais pas. Mon visage tout entier est en feu, mais pas que. Cet homme, se tenant juste là, souriant fièrement, est un phénomène. Une tempête qui vous passe sur le corps.

Je l'ai su à l'instant même où nous nous sommes embrassés pour la première fois.

D'ailleurs, il ne cache pas sa satisfaction de m'avoir prise au dépourvu et sans doute sent-il toute ma frustration d'avoir été obligée de me séparer de lui. Je déteste ce genre de moment. J'étais lancée, moi, putain ! Arrêtez de me faire ça.

Alors, les portes s'ouvrent une nouvelle fois à notre étage et nos deux chambres se retrouvent à l'opposé l'une de l'autre. Finalement, je n'aurai peut-être pas de crise de somnambulisme.

Par réflexe ou par curiosité, je suis Olivier jusqu'au-devant de sa porte tandis qu'il la déverrouille avec une carte magnétique, la poussant du pied, jetant sa valise à l'intérieur et m'attirant également.

— Dis-moi, Philippine, tu connais le mythe du loup dans la bergerie ?

— Je connais aussi le mouton dans la tanière du loup... Qu'est-ce que tu veux ? Qu'est-ce que tu vas me faire ?

— Je vais te montrer que je ne suis pas juste « dans la moyenne » et je vais te faire regretter tout ce que tu viens de dire avec ton petit air hautain et prétentieux.

— Tu sais, c'était de l'humour... Ne te vexe pas pour ça.

— Justement, si tu n'es pas prête à aller jusqu'au bout des choses, alors ne les lance pas. Maintenant, assume.

O, mais j'assume. Totalement, même.

— Je croyais que tu ne voulais plus que ça se reproduise ? Que c'était juste l'histoire d'une fois ? D'un matin ?

— Eh bien j'ai menti. J'ai menti parce que je voulais voir ta réaction. J'essaye de te cerner, de t'apprendre et de te comprendre. J'essaye d'être là où tu ne m'attends pas. Crois-moi quand je te dis que c'est bien plus difficile de faire semblant avec toi, que d'être honnête avec moi-même.

Je le vois alors s'avancer vers moi, attrapant mes mains dans les siennes, non pas avec la même brutalité que tout à l'heure, mais avec une tendresse folle. Délicatement, nos doigts se croisent, s'entremêlent et se touchent.

— Honnêtement, Philippine, j'aimerais bien que tu me laisses faire un pas dans ta vie.

Philippine - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant