Chapitre 49 - La promesse

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On dit que les meilleurs partent toujours en premier.

Petit à petit, les gens qui semblaient m'entourer, les membres de ma famille les premiers, sont partis. Un par un. Comme si la douleur de vivre l'expérience ne suffisait pas, il a fallu que le sort s'acharne contre moi et je n'ai jamais compris pourquoi. Je n'ai jamais été l'enfant la plus à plaindre, mais j'ai sans doute été une fois, la plus malheureuse. La plus vide.

J'ai rempli ce gouffre avec ce que j'avais et j'ai pris les armes pour lutter contre la vie elle-même parce que très vite, j'ai appris que c'est une connasse et que jamais elle ne m'épargnerait. J'ai réalisé qu'il faut se battre, tous les jours et ne jamais baisser les bras et que le monde idéal n'existe pas. « Tout va bien dans le meilleur des mondes ». Mon cul, oui. Rien ne va.

Comment explique-t-on à une enfant que dorénavant elle sera quasiment seule ? Comment les gens pourraient-ils comprendre qu'elle ne connaîtra jamais l'amour maternel ou qu'elle n'aura pratiquement aucun souvenir de son père ?

Dans mon lot de malheur, j'ai eu de la chance d'avoir mes grands-parents, mais ma grand-mère est partie pour devenir une nouvelle étoile dans le ciel que chaque soir je regarde et maintenant, mon grand-père l'a rejointe.

Je serais idéaliste en disant qu'ils sont ensemble et que c'est pour le mieux. Malheureusement, en plus d'être moi, je suis aussi très cartésienne et je ne pense pas qu'il existe de Paradis ou d'Enfer. D'au-delà, en fait.

On vient à la vie, on profite de quelques années et puis on meurt. On se décompose. On retourne à la terre où on finit dans le petit estomac d'un asticot trop affamé. C'est triste, mais c'est ça, « la vie ».

« Rien ne se perd, tout se transforme ». Je m'en rappelle, de mes cours de physique-chimie du collège. Mon prof disait que l'on devient des atomes et qu'on s'assemble avec d'autres, alors peut-être que là, un arbre ou même un pissenlit contient une part de quelqu'un.

Ça me ferait chier de me « réincarner » en pissenlit, mine de rien. C'est le premier truc que les gens arrachent pour souffler dessus. Je ne sais pas pourquoi, d'ailleurs. Ils ne vous ont rien fait, les pissenlits, alors pourquoi tant de violence ?

De longues heures, je reste assise face à la fenêtre de ma chambre. Le ciel n'est ni bleu ni gris. Il est une parfaite dualité. Un peu comme moi.

Olivier m'a laissée seule pour passer un maximum de temps avec Adélaïde et d'un certain côté, je l'en remercie. Je pense qu'il a compris qu'il ne pourra rien faire pour moi.

J'irai mieux... Avec le temps.

Sur ma chaise, près du bureau, il y a ma robe noire. Mon unique robe noire que j'ai achetée, il y a deux ou trois ans maintenant, et que je n'ai jamais mise.

Et je ne la mettrai pas aujourd'hui. Au diable les codes des enterrements. Je veux mettre de la couleur. Il voudrait que je le fasse. Que je vienne comme je suis.

— Tu veux manger quelque chose avant d'y aller ? me demande Olivier en s'asseyant sur le canapé à côté de moi tandis que je reste bêtement assise là, à ne rien faire.

— Non... pas vraiment. C'est gentil de demander. Comment va ta grand-mère ?

— Elle tient le coup. Elle est triste, mais elle te transmet toutes ses condoléances.

— J'irai la remercier un peu plus tard. T'es sûr que tu veux venir avec moi ?

— Je préfère au moins t'accompagner. Même si ce n'est que pour jouer le chauffeur ou autre, moi ça me va.

Philippine - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant