Chapitre 60 - Partir un jour

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Il pleut. Encore.

Ça va faire six jours que les nuages nous font pipi dessus et un brin de soleil serait le bienvenu.

Depuis le départ d'Olivier et de Timéo, j'ai pu plus ou moins avancer dans les travaux et le rangement. Le rez-de-chaussée est quasi fini et il ne me reste plus que les chambres.

Je n'ose même pas y aller. Je sais que c'est là-bas que se trouvent son bureau, la chambre de mes grands-parents et tous les souvenirs que j'ai de mon enfance. Je redoute le moment où j'y serai forcément confrontée.

Durant ces quelques jours que j'ai pris pour moi, j'ai eu le temps de réfléchir à tout un tas de choses. C'est fou le nombre de pensées idiotes que l'on peut avoir à la seconde au lieu de se concentrer sur l'essentiel par exemple : « Pourquoi je n'écrirais pas en rouge sur le carton, pour changer ? » On s'en fout, putain !

Tous les deux jours, Olivier m'a appelée. Je ne sais pas s'il veut vraiment de mes nouvelles ou si c'est, pour lui, un prétexte pour s'assurer que je suis encore vivante.

Il ne peut rien m'arriver dans cette maison, ou du moins, il ne peut plus rien m'arriver. J'ai évité les escaliers avec succès, la plomberie de la cuisine a été refaite avec un coup de clé et de tournevis, l'étagère du salon s'est effondrée sur elle-même au moment où je mettais le dernier livre en carton, à croire qu'elle n'attendait que ça pour rendre l'âme, du style « C'est bon, j'ai bien travaillé ».

En fait, je me suis contentée de faire du camping dans le salon en dormant sur le canapé et je ne suis sortie que rarement pour faire quelques courses histoire de ne pas mourir, rien de plus.

D'ailleurs, il faudrait que j'aille à l'épicerie, je n'ai plus de pâtes ni de knacky.

La crise me touche. Les pâtes, c'est la vie.

Mais clairement, la météo joue contre moi et une telle averse ne me donne pas du tout envie de mettre le nez dehors, surtout que l'épicerie est à dix minutes à pied.

Bon. Comme on le dit si bien :

— Quand faut y aller, faut y aller.

J'attrape mon parapluie, mais voilà que la première bourrasque de vent le tord. On dirait une antenne parabolique, maintenant.

Merde.

— Je n'aime pas la pluie !

Grand-père serait là, il rigolerait et me dirait sûrement : « T'es pas en sucre, tu ne vas pas fondre ». Non, c'est vrai. Je ne vais certainement pas fondre, mais je vais attraper la mort, ça c'est sûr !

— Bonjour, Made...

L'épicier ne finit même pas sa phrase tandis qu'il me dévisage.

— Quoi ? Vous n'avez jamais vu une éponge humaine ?

— Vous égouttez...

Je m'approche de son comptoir en faisant exprès de secouer mes cheveux mouillés devant lui tel un chien se secouant alors que ce dernier est trempé.

— Ah bah ça va mieux !

Prenant le premier panier que je trouve sur mon passage, je m'engouffre dans les minces rayons à la recherche des denrées de survie.

Ah ! J'ai plus de ketchup, faudrait que j'en rachète aussi.

— C'est bon ? Vous avez fini ? me demande l'épicier en me regardant avec l'air le plus exaspéré qui existe.

Philippine - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant