Le banquet de malvenue - 5

4.8K 575 88
                                    

Dans un univers en mutation perpétuelle, le fait qu'il reste une constante devrait être réconfortant : Drago Malefoy le déteste vraiment, vraiment. 

Assister à la Répartition est atroce. La table des Serpentard est aux trois quarts vide, mais les camarades de classe de Harry sont assis ensemble en un groupe compact, et malgré son instinct qui lui hurle de ne pas être un abruti complet, il ne peut rien faire : Zabini pousse Goyle pour qu'il se décale et Harry – cet abruti complet – se glisse entre eux. Malefoy est assis en face d'eux, bien sûr, à côté de Nott qui a de nouveau ce regard vide et flippant.

La lumière des bougies jette des ombres étranges sur le visage pâle et anguleux de Malefoy, et Harry supporte mal de le regarder mais il a aussi du mal à détourner les yeux.

Ça fait longtemps que Harry n'a pas réussi à déterminer exactement ce qu'il ressent pour Malefoy. Ça le fait enrager de ne pas savoir, mais plus il y réfléchit, et plus tout se mélange dans sa tête. Il ne l'aime pas beaucoup, ça c'est plutôt certain, mais parfois il se demande si son envie de parler à Malefoy, de lui soutirer des réponses à des questions qu'il sait qu'il ne posera jamais, ne serait pas en train de le rendre dingue. 

Malefoy a accepté la Marque des Ténèbres. Quand il y pense, Harry a un peu envie de vomir.

Mais à cet instant, Harry serait très heureux d'être ignoré par Malefoy – enfin, à peu près. Mais ce que fait Malefoy est pire : il l'ignore, tout en produisant un commentaire sur le vif de la Répartition, qu'il adresse au vide devant lui. 

— Esmeralda Snart – Serpentard ! clame le Choixpeau. 

— Mr Snart : inculpé en tant que collaborateur. Cinq ans à Azkaban, murmure Drago. Mrs Snart : toute seule chez elle pour les cinq prochaines années, très probablement. 

— Algernon Phipps – Serpentard ! clame le Choixpeau.

— Il pleure son frère aîné. Tombé sous la baguette d'un Auror, ajoute Drago, encore une fois à mi-voix, et encore une fois sans s'adresser à quiconque en particulier. Certains y voient justice, je suppose. 

Quand le Choixpeau arrive à « Zander Montgomery – Serpentard ! » et que Drago informe le vide que les parents de Zander ont divorcé il y a peu – leur mariage n'ayant pas résisté au stress post-traumatique – Harry n'en peut plus. 

— Oui, d'accord, Malefoy, j'ai l'idée, le coupe-t-il. 

Malefoy daigne enfin le regarder – et Harry aurait préféré qu'il ne le fasse pas. Il a sur le visage une expression abominable : un mélange de dédain et de colère qui le font se trémousser sur son banc, mal à l'aise. 

— Qu'est-ce qui t'arrive, Potter ? Des morpions ? lui demande Zabini sans aucune compassion avant de lui enfoncer un coude pointu dans le flanc. 

Harry envisage rapidement de faire de même dans son œil avant de se rendre compte que c'était possiblement une drôle de tentative de support moral. 

— Laisse tomber, Drago, continue Zabini, à voix suffisamment basse pour qu'on ne l'entende pas aux autres tables. Ce n'est pas la faute de Potter si tout fout le camp pour nous en ce moment, si ? Arrête de t'apitoyer sur ton sort et reprends-toi, pour l'amour de Merlin. 

Malefoy lui jette un regard vénéneux et Harry ressent un éclair d'empathie pour Zabini avant de se rendre compte que celui-ci semble complètement imperméable aux humeurs de Malefoy. 

— En fait, continue Zabini en baissant encore davantage la voix alors que le malheureux Zander approche, je sais de source sûre que les parents du jeune Montgomery se sont séparés parce que M. Montgomery a sauté une Moldue. Tu devrais être plus attentif si tu veux répandre des ragots, Drago – tu verras, c'est beaucoup plus gratifiant comme ça. 

Il se tourne vers Harry. 

— Ma mère est la reine du ragot, tu sais, Potter. 

Il incline modestement la tête. 

— J'ai appris avec les meilleurs.

Eh bien. Harry ne sait pas trop quoi répondre à ça. Ce n'est pas gentil de répandre des ragots est la seule chose qui lui vient à l'esprit, mais il imagine déjà les regards qu'il récoltera s'il dit ça à voix haute. Mais au moins, ça a fait taire Malefoy pour le moment. La Répartition se poursuit et Malefoy reste silencieux – silencieux et moqueur. Harry a du mal à tenir en place et n'arrive pas à arrêter de jeter des coups d'œil vers Malefoy, même si chaque regard semble redonner du cœur à celui-ci – son rictus mauvais est presque de retour, comme au bon vieux temps, chaque fois qu'il surprend Harry à le regarder. 

Aucun des nouveaux élèves de Serpentard ne s'assied à proximité et Harry ne sait pas si c'est parce qu'ils ne veulent rien avoir à faire avec lui... ou avec un ancien Mangemort. Il y a eu presque autant de ragots au sujet de Malefoy que de lui dans la presse au cours de l'année écoulée – et ceux concernant Malefoy étaient bien plus méchants. 

La Répartition est suivie par un discours de la Directrice – et c'est exactement ce à quoi Harry s'attendait, ça parle d'amitié et de coopération, et c'est tellement enjoué et mièvre qu'il ne sait de nouveau plus où se mettre. 

— Dégoûtant, pas vrai ? dit Zabini dans un souffle. 

— Nan, c'est vachement bien, dit Harry avec hypocrisie, en essayant d'être digne d'Hermione. 

Elle est probablement en train de boire les paroles de McGonagall et de prendre des notes pour s'y référer plus tard.

Harry se rend compte, sombrement, que Zabini n'est pas dupe, parce qu'il hausse un sourcil avec un sourire calculateur.

Pour Harry, le pire moment, c'est quand McGonagall, d'une voix tremblante, termine son discours de bienvenue par des remerciements, courts mais abominablement sincères, adressés à Harry de la part de toute l'école. Il sent le regard de Malefoy sur lui tout du long, mais il fait bien attention à fixer le vide derrière son oreille pour éviter le premier cas de « décès par regard sarcastique ». 


Tatoué sur mon cœur  - DrarryWhere stories live. Discover now