On peut toujours tomber plus bas - 2

4.7K 562 123
                                    

— Mmh ? dit Blaise. 

Du tissu vole hors de l'armoire à côté de son lit et virevolte autour de lui. Il disparaît brièvement derrière un tourbillon de verts et de noirs, et émerge vêtue d'une robe élégante qui a l'air trop chic pour être un uniforme réglementaire. 

— Quoi donc ? 

Harry regrette déjà d'avoir lancé le sujet, mais il soupçonne qu'essayer d'en changer ne fera que rendre les Serpentard plus curieux encore. 

— Ma rupture avec Ginny, dit-il en essayant d'avoir l'air plus blasé que gêné. C'était une décision mutuelle. 

Cette déclaration est suivie d'un silence – incrédule, dirait Harry – et il se sent forcé de le remplir même s'il sait que c'est une très, très mauvaise idée.

— On est toujours amis, c'est juste que... ça fait un moment qu'on ne s'est pas vus. Les Harpies la tiennent très occupée, ajoute-t-il.

— Très occupée à baiser tous les joueurs de la Ligue de Quidditch de Grande-Bretagne, tu veux dire, ricane Malefoy. 

Le Maléfice Cuisant de Harry le frappe en plein sur la joue, et elle se couvre instantanément de marbrures rouges. Il ne grimace même pas – il touche juste la zone du bout des doigts, avec quelque chose qui ressemble à de la satisfaction dans le regard. 

Harry aimerait se sentir satisfait ; au lieu de ça, il a l'impression d'avoir foncé dans un piège. Malefoy n'a même pas essayé de bloquer le maléfice. 

— Ne parle pas de Ginny comme ça, dit-il en se demandant si Malefoy va essayer de le faire renvoyer à cause de cette attaque. 

Il se demande toujours, parfois, pourquoi on ne l'a pas renvoyé après le Sectumsempra qu'il a jeté à Malefoy, il y a une éternité de cela, lui semble-t-il. 

Goyle se tient derrière Malefoy, menaçant, et Harry se demande rapidement pourquoi l'univers pense qu'il mérite de contempler l'horrible, abominable spectacle de Gregory Goyle dans une chemise de nuit rose pâle avant de mourir – parce que c'est certainement pour le tuer pour s'en être pris à son seigneur et maître que Goyle le toise ainsi

— Idiot ! grogne Goyle. 

Il tire Malefoy vers lui sans trop de douceur, attrape son menton et jette un sortilège guérisseur sur sa joue. Malefoy endure cela en silence, les yeux plissés, et il ne dit pas merci quand Goyle le relâche.

Goyle gronde à nouveau et file vers la salle de bains en semant une file de vêtements derrière lui. 

— Si tu as besoin d'aller à la salle de bain dans les deux ou trois prochaines heures, dit Zabini d'une voix méditative, mon meilleur conseil, c'est : ne le fais pas.

Harry digère cela, et les implications qui en découlent, et jette une série de sortilèges d'hygiène sur lui. Il préfère le savon et l'eau, la routine familière de la brosse à dents et de la mousse mentholée. Il ne sent jamais vraiment propre quand il se lave avec de la magie, même si c'est purement psychologique. Et quant aux toilettes. Ce n'est pas qu'il ne voit pas l'intérêt, en principe, de juste, heu, faire disparaître tout ça par magie, mais il n'a jamais réussi à passer outre l'idée que les choses qu'on fait disparaître atterrissent quelque part et qu'un jour il pourrait bien ouvrir sa malle et y trouver...

Berk. Il vaut donc mieux, à son avis, s'en remettre à la bonne vieille plomberie moldue. 

Zabini se redresse et ajuste sa robe qui tombe en un drapé élégant. 

— Je ne sais pas si c'est la pure méchanceté qui pousse Gregory à empuantir cet endroit avec ses légendaires défécations matinales, dit Zabini d'un air pensif, ou la jubilation devant les infamies qu'il produit. 

Harry frissonne. Les deux explications sont aussi perturbantes l'une que l'autre. Tout comme la perspective de retirer son pyjama devant Malefoy. Techniquement, lui aussi peut s'habiller en utilisant la magie, mais il n'a pas des masses d'entraînement. Personne à Gryffondor ne fait ça comme ça – ils utilisent leurs bras et leurs jambes, comme des gens normaux. Il a dans l'idée que s'il s'y essaie maintenant, avec Malefoy qui le regarde, il se retrouvera avec son caleçon sur la tête, ses chaussettes aux mains, et la bite à l'air. 

— Drago est juste jaloux que la petite Weasley puisse jouer au Quidditch alors qu'il est coincé à Poudlard, dit Nott en émergeant du bout de la pièce pour s'appuyer contre le lit de Zabini, les bras croisés. 

Il a fini de s'habiller et il a toujours le regard un peu mort quand il jette un œil vers Harry, mais il y a là une lueur déplaisante qui suggère qu'il est sur la voie de la guérison. 

— La plus jeune joueuse à rentrer dans une équipe professionnelle, pas vrai ? Ce n'est pas mal pour une...

Sa phrase reste inachevée et Harry est heureux de ne pas avoir à balancer un maléfice à Nott également pour défendre l'honneur de Ginny. Elle ne l'apprécierait probablement pas de toute façon si ça revenait à ses oreilles – elle ferait probablement tomber les siennes d'un coup de baguette pour souligner qu'elle est capable de se défendre toute seule, merci bien. 

Personne ne répond rien – pas même Malefoy, mais un muscle tressaillit sur sa joue. Il retourne à sa malle et se retrouve brièvement enveloppé d'un ouragan de tissu. Sa robe tourbillonne encore derrière lui tandis qu'il claque le couvercle du coffre pour le fermer. 

— Il me faut un petit-déj avant que je tue quelqu'un, annonce-t-il. 

Il sort de la pièce sans un regard en arrière. Nott semble hésiter un moment et puis le suit, laissant Harry seul avec Zabini. 

— Clairement jaloux, murmure Zabini. Tu n'as pas eu envie de rentrer dans un club, alors, Potter ?

Zabini se retourne et Harry reste planté là un moment avant de comprendre que l'autre, merveille des merveilles, fait preuve de tact. 

— Oh, heu, ça m'est venu à l'esprit, dit-il en farfouillant dans sa malle pour en sortir son uniforme tout froissé. La plupart des équipes, heu, me l'ont proposé avant Gin, mais... 

Il manque de tomber quand il essaie de retirer son pantalon de pyjama et d'enfiler son boxer de façon simultanée, mais quand il jette un coup d'œil soupçonneux vers Zabini, celui-ci lui tourne toujours le dos. 

— Je trouvais que c'était un peu... vain, tu sais ? Voler, c'est un truc que je fais pour le plaisir.

— Ah. Et bien sûr, il est important que tu passes le plus clair de ton temps à faire des choses qui ne te font pas plaisir, dit Zabini. Par les couilles de Salazar. Est-ce que tous les Gryffondor sont aussi vertueux ? Non, ne réponds pas. 

Ça pique un peu. Harry ne se rappelle même pas la dernière fois qu'il est sorti voler pour le plaisir. Il ne se rappelle pas la dernière fois où il a fait quoi que ce soit pour le plaisir, à vrai dire. Il a été trop occupé. Il enfile le reste de ses vêtements, les chaussures en dernier. Quand il se redresse, Zabini le regarde en haussant les sourcils.

— Quoi ? demande Harry, sur la défensive. 

— Tu as toujours les couleurs de Gryffondor, Potter. Les gens risquent de penser que tu ne veux pas être à Serpentard avec nous, dit-il avec une bonne dose de sarcasme. 

Harry baisse les yeux pour constater que, oui, il y a toujours le blason de Gryffondor sur son pull et sa robe est bordée de rouge. 

— Tu veux que je le fasse ? demande Zabini comme Harry ne bouge pas. 

C'est bête, pense Harry, mais ça lui fait vraiment l'effet de la fin d'une ère. 

— Non, répond-il. 

Et il fait quelque chose qu'il n'aurait jamais, jamais pensé faire dans un autre contexte qu'un plan d'infiltration : il pointe sa baguette sur ses vêtements et regarde tout ce qui fait de lui un Gryffondor être englouti par le vert des Serpentard. 

Tatoué sur mon cœur  - DrarryWhere stories live. Discover now