Le Dodu Dindon - 3

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Ensuite, il y a des huîtres avec de la gelée de fruits, de la glace à la moutarde, une soupe froide au chou rouge, et du porridge mixé avec des escargots, et toute une ribambelle de choses dont l'appellation n'est pas franchement appétissante mais qui sont si incroyablement délicieuses que Harry décide qu'il va peut-être établir sa résidence permanente dans ce restaurant et manger jusqu'à ce que mort s'ensuive.

Quand le serveur dépose devant eux des petits carrés noirs qui sont censément du saumon poché à la réglisse, Harry dévore le sien et puis relève la tête pour voir Malefoy qui le contemple, son assiette encore pleine.

— Quoi ? demande-t-il, nerveux.

Il s'essuie la bouche avec sa serviette.

— J'ai de la bouffe sur la joue ?

Malefoy a l'air gêné et hausse les épaules.

— Non, dit-il.

Il reporte son attention sur sa propre assiette mais n'en mange pas davantage qu'une minuscule bouchée.

— Je me disais juste que ce n'était pas aussi affreux que je l'avais imaginé.

— La nourriture ? demande Harry en avalant une gorgée de vin.

Son verre semble descendre beaucoup plus vite que celui de Malefoy, même si c'est difficile à dire vu que le sommelier le ressert sans cesse.

Les épaules de Malefoy se raidissent.

— Non, ce n'est pas ce que je voulais dire.

— Oh, dit Harry sans vraiment comprendre.

Il sent la gêne entre eux revenir à toute vitesse et il aimerait bien que Malefoy se dépêche de finir son assiette pour que le serveur repasse et brise la tension. Jusqu'à présent, ils n'ont pas vraiment eu l'occasion de parler de quoi que ce soit, et il aimerait bien que ça continue. Il n'y a pas des masses de sujets de conversation qui ne soient pas minés quand on a Malefoy pour interlocuteur. Ils ont parlé un peu de la nourriture. Quel autre sujet n'est pas dangereux ? Les vêtements, probablement. Malefoy a fait un effort. Il pourrait dire quelque chose à ce propos pour remplir les blancs qui risquent d'être comblés par de Mauvais Sujets.

— Heu, tu es très bien, au fait.

Malefoy qui était en train de jouer avec sa nourriture se fige instantanément.

— Tes fringues, je veux dire. Tes fringues ! Elles te vont, heu, bien ! dit Harry en souhaitant que le sol l'avale.

Malefoy pose sa fourchette avec un bruit métallique mais ne relève pas la tête.

— Quoi ? demande-t-il.

Est-ce de la dérision ? Harry n'en sait rien.

— Je ne vais pas le répéter, dit-il. Je voulais juste être gentil !

— Potter, dit Malefoy en articulant trop.

Il relève la tête vers lui. Son regard est direct, perçant et... étrange.

— Arrête, ajoute-t-il, ce que Harry trouve sacrément bizarroïde.

— D'être gentil ?

— D'être faux, dit Malefoy en détournant le regard. Ça ne te va pas.

— Mais, heu, je pense vraiment que ça te va bien ? dit Harry, qui est maintenant plus perplexe que gêné, même si on n'est pas loin du cinquante-cinquante.

Parler de vêtements lui fait penser à ce qu'il y a sous les vêtements de Malefoy – une marque sœur qui ondule sur sa peau et réagit à ce que Malefoy pense, ressent... Et Malefoy lui a promis, dans le noir, de le laisser la voir à nouveau bientôt.

D'accord, maintenant il est davantage gêné que perplexe. Il fixe la nappe et essaie de se rappeler qu'il déteste Malefoy. C'est un peu compliqué, cela dit, vu que ce n'est pas vrai. Il n'est toujours pas certain de beaucoup l'apprécier, mais...

— D'accord, changeons de sujet s'écrie Malefoy. Parlons de quelque chose de nettement moins embarrassant, comme le fait que tu n'as pas d'âme sœur, ou le fait que tu as failli me tuer, ou bien que tu faisais partie des jurés pendant mon procès et celui de ma famille et que tu as envoyé mon père à Azkaban !

Malefoy n'est pas sérieux, bien sûr, mais...

— D'accord. On n'a qu'à commencer avec le procès, dit Harry.

Et Malefoy, qui a mis un autre morceau de saumon dans sa bouche, manque s'étouffer avec. Une fois qu'il l'a fait passer avec de l'eau et qu'il s'est repris, Harry dit :

— Non mais sérieusement, parlons-en.

— Mais putain, certainement pas, dit Malefoy qui s'avachit sur sa chaise. Qu'est-ce que tu veux en dire ?

— Eh bien... je pourrais dire, par exemple, que je pense que tu me détestes plus pour le procès que pour cette histoire de marque sœur, explique Harry à la nappe. Je le vois dans tes yeux, quasi en permanence, à quel point tu me détestes.

Malefoy renifle.

— Et quand je pense que c'est moi que tu as accusé d'être mélodramatique l'autre jour, Potter.

Harry hausse les épaules.

— Mais c'est vrai.

Les poumons de Malefoy semblent ne plus vouloir contenir l'air qui s'y trouvait et il soupire pour en expulser les dernières miettes.

— Je ne suis pas sûr que ça vaille le coup de s'embêter à expliquer ça, dit-il en agitant la main avec dédain, l'air patraque.

— Essaie, suggère Harry.

Malefoy se tient coi pendant que le serveur récupère leurs assiettes vides et regarde devant lui, mais pas Harry. Quand ils sont à nouveau seuls, il fait la grimace.

— C'est toutes les vieilles conneries habituelles, Potter. Toi, qui gagnes. Qui te retrouves à me juger et...

Il fronce le nez de dégoût.

— Et qui te montres bienveillant. Beurk. Mais pas assez bienveillant pour acquitter mon père ! Et pas assez bienveillant pour m'acquitter moi non plus, en fait – je suis toujours reconnu coupable de crimes, et si quelqu'un se pointait et essayait de me tuer, me défendre me vaudrait de me retrouver de nouveau devant le Magenmagot. Ce n'est pas très marrant, Potter, de ne pas être autorisé à faire usage d'autre chose que des sorts les plus basiques en public, comme si j'étais un danger pour la population.

— Mais tu étais... un Mangemort, dit Harry, mal à l'aise. Et ton père aussi. Qu'est-ce que j'étais censé faire ? Je ne pouvais pas demander à me retirer du Magenmagot juste pour ton procès – comment j'aurais justifié ça ? « Désolé tout le monde, mais je pense que ça risque de ne pas plaire à Malefoy, alors je vais rester chez moi pour celui-ci. »

— Je n'ai pas dit que c'était logique, dit Malefoy. Les émotions sont rarement logiques. C'est juste... Quand je te regarde, tout ce que je vois la plupart du temps, ce sont mes propres échecs, et ma propre humiliation. Ce qui veut dire que c'est un peu galère de partager un dortoir avec toi, Potter. Et cette histoire de marque sœur, c'est juste un bonus.

— D'accord, dit Harry qui se sent très petit et très mal.

Malefoy le dévisage et lève les yeux au ciel.

— S'il te plaît, Potter, dis-moi que tu ne vas pas te mettre à pleurer. Franchement – je te raconte ma vie avec un manque de pudeur éhonté et tu essaies encore une fois de ramener ça à toi.

Tatoué sur mon cœur  - DrarryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant