On peut toujours tomber plus bas - 5

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Ça, constate Harry, ça ne l'aide pas vraiment, car même s'il est tout à fait exact qu'il aime les filles, ce ne serait pas entièrement un mensonge de dire qu'il pourrait, éventuellement, aimer les garçons aussi. C'est là une chose à laquelle il n'a pas réfléchi en profondeur – tout ce qui concernait le combat contre le Seigneur des Ténèbres et la chasse aux Mages noirs lui a pris un peu trop de son temps de cerveau disponible ces dernières années – mais... c'est là quand même. Est-ce que c'est grave ? Il ne croit pas mais... on dirait bien que les autres gens pensent que si. Il essaie de se fondre dans son siège et de disparaître sous la table sans aller jusqu'à jeter un sort pour cela. Il n'a pas envie de devoir affronter son destin tragique sous la forme d'une flaque. Certains pourraient penser que se retrouver bombardé par des centaines de lettres d'amour était déjà un destin tragique, mais Harry a un sixième sens pour détecter les destins tragiques. Il sait que ce n'est pas fini, il le sent ; l'odeur de la lavande et des philtres d'amour flotte dans l'air. 

Zabini semble se dresser d'un coup, tous les sens en alerte, comme s'il avait flairé une faiblesse.

— Tu en es sûr ? demanda-t-il à Ron avec un sourire imperceptible. Alors avec qui il sort en ce moment ?

— C'est... c'est juste qu'il n'a pas encore trouvé la bonne, répond Ron avec loyauté, et plus de la moitié de la salle laisse échapper un roucoulement ravi, presque suffisamment sonore pour couvrir les huées des Serpentard. 

Harry essaie de ne pas grimacer. Il n'a presque rien mangé, il n'a pas la force pour ça. Le seul bon côté, c'est que Malefoy n'est pas là à jubiler de la situation. Mais c'est juste parce que Malefoy a vu la photo de Zabini en train de l'embrasser et que ça l'a tellement dégoûté qu'il s'est enfui, lui fait remarquer son cerveau, parce que à l'évidence il se déteste. 

— Non, Potter n'a pas encore trouvé le bon, dit Zabini avec un sourire mesquin pour Harry. Ou alors... il ne le sait pas encore. Pas vrai, Harry ? 

Harry l'écoute à peine, trop embrouillé dans ses réflexions sur Malefoy, et il voudrait juste que Ron et Zabini la ferment, et puis qu'est-ce que ça peut faire de toute façon s'il a envie de sortir avec des mecs ou des filles, bon sang ? Alors il fait quelque chose qui, à la réflexion, est particulièrement stupide : il hoche la tête. 

***


— Aujourd'hui, nous allons extraire des gousses de snargalouf, leur annonce le professeur Chourave. 

Elle leur fait passer de longs gants en cuir et des lunettes de protection en verre épais. 

— Horace m'a dit que vous allier concocter une potion avec ces petites merveilles dans les prochaines semaines, alors faites-en sorte de cueillir les gousses le plus grosses et les plus vertes. Mais rappelez-vous : plus elles gigotent, plus elles sont fraîches, et plus elles risquent de dissoudre votre peau si vous les laissez vous toucher. 

— Dissoudre notre peau, bien, bien, dit Ron en se dépêchant d'enfiler ses gants. Tu penses qu'on devrait en balancer sur Zabini maintenant ou bien attendre plus tard ? 

— Chut, dit Hermione en lui donnant un coup de coude. 

Mais ensuite, elle réfléchit et chuchote :

— Maintenant et plus tard, juste pour être sûrs. Mais débrouille-toi pour qu'il en reste pour nous. Il vaudrait mieux ne pas prendre de retard en Potions avant même d'avoir commencé. 

— Je me mets avec Potter, déclare Zabini en se pointant derrière Harry et en manquant de le faire basculer tête la première dans le Snargalouf le plus proche. Pour prouver qu'il n'y a pas de rancune entre nous. 

Chourave lui jette un regard attendri et essuie machinalement une trace de terreau sur sa joue. 

— D'accord, d'accord, dit-elle. Allez vous installer, Mr Weasley et Miss Granger – il faut que vous attaquiez tout de suite pour prendre les Snargaloufs par surprise. 

Ron et Hermione jettent des regards anxieux à Harry, mais ils se laissent entraîner par Chourave vers un des plus gros plants de Snargalouf, dans un coin de la serre. 

Harry se prépare à jeter Zabini tête la première dans son Snaragalouf et le laisser le flageller avec ses branches épineuses jusqu'à ce que mort s'ensuive – ce ne serait que justice – mais, à sa grande déception, le professeur Chourave revient et semble décidée à lui faire la causette. 

— C'est très courageux de ta part, Harry, dit-elle en lui souriant. 

— Oh, heu, merci, dit-il avec embarras en se demandant de quoi elle peut bien parler. 

— Tu devrais passer chez moi – chez nous – à Pré-au-Lard prendre le thé, un jour, dit-elle. Tu savais que je ne vis pas à Poudlard tout le temps ? Ethel et moi... Ça nous ferait très plaisir de te montrer notre petit jardin. 

Harry comprend, submergé par la gêne, que le professeur Chourave vient de lui révéler qu'elle est lesbienne. Il sent Zabini qui essaie de ne pas rire à côté de lui, et ça lui donne de la force. Zabini est peut-être le plus gros connard du monde sorcier, mais pas lui.

— J'en serais ravi, Professeur. 

— Je t'en prie, appelle-moi Pomona, dit-elle affectueusement. 

Et quand le Snargalouf étend une branche timide vers elle, elle s'en débarrasse presque machinalement et détache rapidement une demi-douzaine d'énormes gousses frétillantes et bien vertes. 

— Qui aurait pensé que la meilleure façon de te simplifier la vie était d'annoncer que tu puisses apprécier te la prendre dans le cul, hein, Potter ? marmonne Zabini dans sa barbe. 

Il plonge la main au cœur du Snargalouf et en arrache une autre poignée de gousses gigotantes. 

— Tu me diras merci quand elle te mettra un Optimal à l'exam de fin d'année. 

Au grand agacement d'Harry, le Snargalouf échoue à le mettre en pièces, à vrai dire, il échoue même à l'estropier. Et plus la journée avance, plus Harry commence à se dire que Zabini mérite vraiment d'être estropié. Il s'est demandé, pendant un bref et bienheureux moment, si le fait que la presse sorcière l'ait outé contre son gré - même s'il se classerait davantage comme « probablement bi » que comme gay – voulait dire que l'enthousiasme de ses admiratrices serait quelque peu mouché. 

Ce à quoi il n'a pas réfléchi, c'est que ses admiratrices ne s'avoueraient pas vaincue, tandis que ses admirateurs allaient aussitôt considérer que le faire changer définitivement de bord était devenu leur mission sacrée. 

Tatoué sur mon cœur  - DrarryWhere stories live. Discover now