Nuage noir et pensées pluvieuses - 4

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Malefoy marmonne quelque chose dans sa barbe et Harry pense qu'il vaut mieux qu'il n'écoute pas de trop près – il ne voulait vraiment pas faire de jeu de mot sur « filer comme l'éclair », juré – et ils parviennent à s'asseoir sans se révéler ou se foutre de coups de poing. Harry le regrette, une fois qu'ils sont par terre. Il se dit avec mélancolie qu'il aurait plutôt apprécié foutre un coup dans le nez de Malefoy.

— Alors, de quoi tu veux parler ? demande Malefoy avec sarcasme après qu'ils sont restés assis dans un silence gênant pendant un moment.

Ça fait des jours que Harry essaie de parler à Malefoy, et maintenant qu'il est juste là, c'est beaucoup plus dur de commencer qu'il ne le voudrait.

— Oh, je sais pas. La météo ? demande-t-il.

Il ne peut pas s'en empêcher. Il y a un petit grondement de tonnerre, comme en réponse, et Harry doit serrer les lèvres pour ne pas rire. Tout ça est trop ridicule.

Encore du silence. Harry commence à avoir beaucoup d'entraînement au niveau des silences gênants, mais ça ne veut pas dire qu'il les apprécie. Alors il se triture les méninges et conjure le pouvoir du Bavardage Insignifiant, qui a si bien fonctionné tout à l'heure.

— Heu, tu as passé un bon weekend ? demande-t-il à nouveau.

— Merveilleux, répond Malefoy comme si Harry venait juste de lui proposer une crotte bien fraîche. Une petite discussion avec ma mère, c'était pile ce qu'il me fallait, ajoute-t-il avec amertume.

Harry a l'impression qu'il n'est pas tout à fait sincère. Mais quand bien même, son agacement prend le dessus.

— Eh bien je suis ravi que tu te sois bien amusé, Malefoy, parce que moi j'ai passé un weekend de merde, merci beaucoup. J'ai vachement aimé toute la partie où j'avais besoin de te parler, mais où tu étais parti te cacher dans les jupes de ta mère, et ensuite celle où tu m'as évité de nouveau en cours, et puis ce midi, et puis comment tu serais encore en train de m'éviter maintenant si je ne t'étais pas tombé dessus par hasard. Qu'est-ce que tu fous là, d'ailleurs ?

Harry entend sa voix partir dans les aigus et il finit sur un glapissement.

Malefoy se tourne légèrement et le regarde comme un cafard qu'il serait sur le point d'écraser. Il est plutôt calme et désintéressé, mais quand même malveillant. Il a toujours un col qui monte très haut, alors peut-être que sa visite à maman n'a pas été un succès de ce point de vue-là, comprend Harry. De si près, il voit aussi les cernes sous ses yeux.

— Peut-être que si tu réfléchis très fort – attention, ne te fais pas une crampe au cerveau – tu parviendras à trouver ce que je peux bien faire à lire des trucs sur les sortilèges amoureux et leurs antidotes dans la Réserve, Potter. Je suis sûr que tu en es capable.

— Oui, bon, ça va, pas la peine d'être sarcastique, dit Harry en résistant à la tentation de lui mettre un pain dans le nez.

Il est si proche – suffisamment proche pour que Harry sente son parfum.

— Est-ce que tu es en train de me renifler, Potter ? demande Malefoy, les yeux écarquillés. Qu'est-ce qui ne tourne pas rond chez toi ?

La tentation du pain dans le nez le submerge presque. Harry est obligé de fermer les yeux. Il se rend compte, à son grand soulagement, que c'est plus facile de trouver les mots ainsi.

— Je me demande juste pourquoi tu m'évites, comme un gros abruti, alors qu'on veut tous les deux la même chose, putain ! Tout ce que je veux, c'est que tu m'aides à trouver qu'est-ce que c'est comme sortilège exactement, et comment l'annuler le plus vite possible. Qu'est-ce qui ne tourne pas rond chez toi pour que tu ne veuilles pas coopérer ? demande-t-il.

— J'espérais ne pas avoir besoin de travailler avec toi, dit Malefoy de façon désagréable.

Il hausse les épaules, comme si ça expliquait quoi que ce soit.

Harry ravale sa réponse acerbe – il en était sûr, Malefoy essayait bien d'annuler le sort sans lui pour ne pas avoir à partager le contre-sort – et il attend. Ces derniers jours, il a eu souvent l'occasion de faire l'expérience de ce qu'il commence à appeler le « silence Serpentard ». Laissez un grand blanc gênant s'installer, et votre victime se précipitera pour le remplir avec une terrible confession.

À sa grande surprise, ça fonctionne.

— Écoute, Potter, dit Malefoy, l'air suprêmement agacé. Je suis rentré voir ma mère pour qu'elle me soutienne et m'aide à retirer cette chose de ma peau, d'accord ?

Il marque une pause ; sa respiration s'est accélérée. Harry le sent presque vibrer de tension, juste à côté de lui.

— Et ? insiste-t-il.

La tentation de l'assassiner est grande.

— Et rien ! crache Malefoy. Elle est devenue complètement barge. Elle m'a dit que c'était la meilleure chose qui nous soit arrivée depuis longtemps. J'ai presque dû lui jeter un sortilège du Saucisson – à ma propre mère ! – pour l'empêcher d'appeler ce satané Woodbead pour qu'il écrive son putain d'article sur le champ. Elle m'a dit...

Sa voix craque, mais Harry ne saurait dire quelle émotion en est la cause.

— Elle m'a dit qu'une fois que l'article serait paru, tu te sentirais probablement forcé par l'honneur de...

À l'évidence, il n'arrive pas à le formuler à voix haute.

— Et le pire, dit-il avec un rire sans joie, c'est que connaissant tes talents de martyr, elle n'a sans doute pas tort.

— Forcé de faire quoi ? craque Harry, qui en a marre de faire des périphrases parce qu'on ne peut pas nommer certaines choses.

Si on peut le nommer, on peut se battre contre – et le vaincre.

Malefoy se tourne et le regarde avec une sorte d'outrage, qui se transforme en quelque chose de plus aigu. Il se penche très près et Harry essaie de ne pas tressaillir.

— De m'offrir la baise de ma vie, murmure-t-il avec intensité à son oreille, et cette fois, Harry tressaille pour de bon.

Son cœur bat si fort qu'il est certain que Malefoy doit l'entendre. Peut-être qu'après tout, il préfère que Malefoy ne nomme pas les choses, pense-t-il faiblement.

Malefoy a un reniflement moqueur.

— On parle de ma mère, là, Potter. Elle pense que tu m'épouserais, espèce de cornichon.

Tatoué sur mon cœur  - DrarryWhere stories live. Discover now