Chapitre 1

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Point de vue Charles Leclerc
Monaco Novembre 2021,

La vie a sa propre manière de nous surprendre. On ne peut pas prédire quand elle s'apprête à changer du tout au tout, elle se contente de le faire. D'une seconde à l'autre. Je n'oublierais jamais cette seconde ni celles qui ont suivi, toutes celles que j'ai pu passer avec elle, la douceur de sa voix, la tendresse dans son regard. Non cela, je ne l'oublierais pas.
Le championnat venait de se finir. Et si les critiques à mon égard n'avaient pas été plus négatives que cela, je ne pouvais m'empêcher d'être déçu par ma saison. L'écurie avait atteint son objectif, la place de meilleur des autres, troisième au championnat derrière Mercedes et Red Bull. Carlos avait obtenu la cinquième place au championnat. Et puis il y avait moi, avec ma septième place et mon seum. Juste dernière Lando. Pour un point. Un seul point.

Ce n'était pas tellement ce point qui me décevait que mon incapacité à obtenir ce que nous voulions tous. La première place. Parce que finalement, on pouvait se bercer de toutes les illusions possibles, la seule chose qui comptait réellement c'était la première place. Le reste n'avait pas de valeur.

J'étais donc rentré à Monaco la queue entre les jambes, et je tentais tant bien que mal de lécher mes plaies pour qu'elles guérissent plus rapidement. C'était un processus qu'il ne fallait pas perturber et que je pratiquais depuis des années. Parfois quand l'anxiété était trop forte, j'avais besoin de prendre du temps pour moi. Et il n'y avait rien qui me rendait plus anxieux que les doutes qui me traversaient depuis la fin des tests à Abu Dhabi. Mon équipe travaillait avec moi depuis suffisamment longtemps pour savoir que cela ne servait à rien de tenter de me remonter le moral. Il me fallait juste du temps pour moi.

Je ne sortais que pour le strict minimum, acheter du papier toilette et mon Gatorade, le jaune, pas le bleu. Je ne comprenais pas comment le parfum tropical pouvait être bleu alors que le jaune était au citron, ce qui pour le coup avait du sens. Et puis j'avais un faible pour le citron. Il y avait une autre exception à la règle. Le café qui ne se trouvait pas très loin de chez moi. J'y descendais tous les jours pour y prendre mon premier café de la journée. La vue sur la mer depuis la terrasse de celui-ci avait pour effet de me détendre, et si je pouvais la voir depuis mon balcon, j'appréciais également l'agitation qui accompagnait le passage des piétons et voitures, et ainsi que les odeurs que ramenait les embruns de la mer.
C'était une habitude que j'avais prise après le départ de mon père, à cette époque ce n'était pas uniquement l'anxiété qui me saisissait parfois, c'était de véritables crises d'angoisse qui me coupaient les jambes et me forçaient à rendre le contenu de mon estomac comme si mon corps tentait de traduire des émotions que je ne voulais pas ressentir. Un matin moins d'un mois après son décès, je m'étais machinalement rendu dans le café, dans l'espoir vain de le voir sur une table en terrasse son journal à la main.

Le café ne payait pas de mine, mais il se trouvait juste en face de son ancien cabinet d'architecture et avant moi, il s'y arrêtait pour boire sa seconde tasse de café de la journée avant de monter à son cabinet. Ce jour-là pour la première fois, j'avais eu la sensation qu'il était encore présent, tout autour de moi. Alors, j'avais réitéré l'expérience le lendemain, le surlendemain et puis je n'avais jamais cessé de le faire. Si j'étais sur Monaco, et peu importait ce que j'avais à faire dans la journée, je descendais au café pour y boire une tasse avant de poursuivre mes activités de la journée.

J'aimais y aller, je me sentais comme chez moi, j'y étais chez moi. J'étais passé du fils de l'un des clients fidèles à client fidèle et quand ma carrière avait explosé, le comportement des propriétaires de l'établissement à mon égard n'avait pas changé, ils avaient continué à me traiter comme un enfant de la famille. Ils s'assuraient que les badauds passants et me reconnaissant ne soient pas trop envahissants.

La Prima DonnaWhere stories live. Discover now