Chapitre 34

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Point de vue Noa Nianga

Paris, Mai 2022

Les récriminations de Gianlu ne parvinrent pas à me convaincre de rester à Nice et encore moins à Monaco. Le surlendemain, je montais dans un train en direction de la capitale. J'avais envie, non besoin de voir Nathan. Même si nous n'étions pas de vrai jumeau, nous avions tout de même partagé le même utérus pendant huit mois et en voie de conséquence nous avions un lien particulier comparé aux autres membres de la fratrie. Il était mon roc dans la tempête, mon guide dans le noir, lui seul pouvait calmer mes maux. Et puis il n'avait jamais peur de me remettre à ma place quand je dépassais les bornes.

Revenir à Paris avait ses avantages. J'étais en mesure de retrouver ma vie. Je ne pouvais passer à côté du cocasse de la situation. J'avais fui Paris pour fuir un homme, je revenais sur Paris, car j'en fuyais un autre. Qui m'avais envoyé ? Ou plutôt qui m'avait terminé à la pisse ?

Le soleil tapait fort dans la capitale, le printemps était venu la saluer et ce beau temps m'empêchait de regretter ma décision. Je traversais la place Félix Eboue dans le douzième afin d'attendre la terrasse d'un café dans laquelle se trouvait déjà Sissi.

Ma mission de ce jour était simple et compliquée à la fois. Je devais la convaincre de se joindre avec moi à Monaco pour le week-end. Nous n'avions même pas besoin de nous y rendre tout le week-end, le gala avait lieu le mercredi. Mais un grand prix de formule 1 signifiait également que la ville serait pleine. Ce qui multipliait les chanceux pour Sissi d'être abordée dans la rue ou même sollicitée pour qu'elle mixe à une soirée et Sissi avait horreur de ça. Pendant le peu de temps libre qu'elle avait à se disposition, elle voulait être libre. Ce que Catherine, oui Sissi et moi partagions le même agent, avait du mal à comprendre. Plus de sets était égal à plus de commissions. Équation simple dans son esprit.

-Comment tu vas ? Elle demanda avec sollicitude alors que je prenais place face à elle.

-J'ai connu mieux, je répondis en déposant mon sac à main sur la table.

Je n'avais pas hésité longtemps avant de conclure que j'allais conserver le sac acheté avec l'argent de Lorenzo. Au final, Charles et moi n'étions plus ensemble. Quelque part, j'avais fini par respecter ma part du marché, ce qui signifiait que j'avais gagné cet argent. Et puis un sac Chanel, je voulais bien l'emporter en enfer.

-Tu veux en parler ?

Ma relation avec Sissi était sans doute l'une des plus saines dans ma vie. Il n'y avait pas de demi-mots ou de mensonges par omission. Je lui avais dit que Charles et moi n'étions plus ensemble sans lui en raconter les détails. Elle m'ouvrait une porte pour que je puisse mon confier à elle sans que cela ne soit une obligation. Si je lui répondais  positivement, elle me laisserait m'exprimer et pointerait sans doute les défauts dans mon propre comportement, ce que je n'étais pas prête à entendre. J'avais besoin de croire au-dessus de toute responsabilité, c'est pourquoi je lui répondis :

-Pas vraiment, en revanche si tu pouvais m'accompagner à Monaco la semaine prochaine. Ça ce serait top.

Je savais qu'elle devait se rendre en fin de semaine à Berlin, elle avait trois sets à réaliser dans la même boîte de nuit, mais, rien la semaine suivante. Sa semaine de repos avant son départ pour le Japon. Le Japon était toujours une date importante dans son calendrier. Elle était extrêmement populaire là-bas, et très bien payée pour ses concerts aussi elle devait s'y rendre pendant deux mois consécutifs. Nous avions d'ailleurs prévu à l'origine qu'elle me fasse visiter Tokyo pendant le week-end de grand prix. Le plan était bien évidemment mort, car il n'était plus question que je m'y rende. 

-Je ne veux pas aller à Monaco, elle leva les yeux au ciel en soupirant. Les trust found baby ce n'est pas pour moi et j'ai besoin de fun.

-Donc tu ne vois plus Pierre ? Je demandais curieuse de savoir ce qui avait bien pu se passer entre les deux depuis Miami.

-Évidemment. Il est ami avec l'autre, il est hors de question que je lui accord le moindre temps, elle dit avec beaucoup trop de conviction pour que cela ne m'apparaisse pas un peu suspect.

-Et en réalité ?

-Il demande beaucoup trop d'entretien, je commençais à rire ce qui ne l'empêcha pas de poursuivre. Tu verrais le nombre de textos qu'il envoie à la journée, c'est décent. Il est super canon, je ne lui retire pas ça, mais Jeez y'a pas à être près de son téléphone comme ça.

Mes rires firent couler de petites larmes sur mon visage et silencieusement je la remerciais de faire partie de ma vie. Si j'étais la glace dans sa vie, elle était le feu dans la mienne. J'étais parfois complément surprise par nos différences de personnalité, nos rapports aux autres et surtout à quel point nous nous complétions.

-Tu sais à mon gala, il y aura pleins d'opportunités pour toi de trouver ton fun. Tous les pilotes ne sont pas des trust found baby et tous ne sont pas aussi près de leur téléphone que Pierre peut l'être, je parvins à lui dire après m'être calmé.

-Est-ce que tu es en train de me dire que je devrais te suivre à Monaco, histoire que je rajoute un nouveau nom dans ma liste de pilotes ?

-C'est pas exactement ce que j'ai dit, je commençais. Même si tu veux le prendre comme ça je t'en pris, mais d'abord quelle liste ? À ma connaissance le seul pilote avec qui tu as couché c'est Pierre.

-Ce serait l'occasion de commencer une liste, elle dit plus pour elle-même que pour moi. Après tout, ils ne sont que vingt, ça peut être un défi.

-Ça pour le coup ce n'est vraiment pas ce que j'ai dit.

Elle haussa les épaules et je compris qu'il ne me servait pas de tenter de la dissuader, l'idée désormais en tête, je n'étais pas sûre que le karma ou même dieu soit en mesure de l'arrêter. Ce qui ne m'empêchait pas de la mettre en garde.

-Par contre si c'est ce que tu veux faire. Soit certaine de prévenir Pierre pour ménager ces sentiments.

-Ne me dis pas que tu vas prendre sa défense à lui aussi. Il est ami avec l'autre !

-Pierre n'est pas Charles, Sissi.

En prononçant son prénom, le poids sur mon plexus qui ne m'avait toujours pas quitté se fit plus lourd. Oui, Charles m'avait fait du mal et oui une part de moi voulait qu'il souffre, mais les sentiments que j'avais pour le Monégasque n'avaient pas disparu du jour au lendemain. Je ne lui voulais aucun mal. Et surtout, je ne voulais aucun mal à Pierre

La Prima DonnaWhere stories live. Discover now