Chapitre 59

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Point de vue Charles Leclerc
Juillet 2023, Monaco.

-Hey, je suis gay.
Noa recracha ce qui restait de sa gorgée d'eau dans sa bouche avant de se mettre à tousser. Je tapais négligemment son dos pour l'aider, incapable de réagir autrement.
-Six mois que j'essaye de te convaincre de faire ton coming out et c'est comme ça que tu le fais ?
-Déjà, je l'ai fait et ça te suffit toujours pas ?
-Où sont les larmes, les émotions et l'acceptation. Tu peux pas faire ton coming out comme tu leur demande de l'eau.
-Ah oui, parce que maintenant t'es une experte en coming out. Rappel-moi c'était quand le tiens.
-Est-ce que ça veut dire que Charles est une fille, demanda Lorenzo sur un ton sérieux.
-Je suis pas une fille
-Est-ce que tu es sûr, demanda Arthur. Parce que si c'est le cas on t'aime tout pareil.
-C'est la blague justement Noa.
-Attendez, je suis pas sûre d'être d'accord, intervint Noa. Si Charles est une fille, est-ce que cela veut dire que je suis gay.
-Je ne suis pas une fille, je dis un peu plus fort.
-Merci, répondit Noa. J'aime ton corps, exactement comme il est. Surtout...
-Ne termine pas cette phrase, la coupa Lorenzo. Je veux pas avoir envie de vomir avant d'avoir commencé à manger.
-Il faut que tu le goûtes le poulet. T'es plutôt, cuisse ou blanc?
-Cuisse, généralement, on laisse le blanc aux pilotes.
Noa se redressa pour commencer à couper le poulet. La conversation que nous venions d'avoir n'avait aucun sens et je semblais être le seul à m'en apercevoir.
-Est-ce qu'on peut revenir deux secondes sur ce qu'on vient d'apprendre ?
-Qu'on pense que t'es une fille, demanda Noa en servant Lorenzo, puis Arthur.
-Non ! Je veux parler du fait qu'Arthur est gay. Et ta copine Danielle ?
-Ex, et c'était Daniel, e,l. C'est un peu étrange que tu te soucies autant de savoir avec qui je couche.
-Ouais, renchérit Lorenzo. C'est comme si nous on te donnait des conseils en dating. Si c'était le cas je ne l'aurais pas recommandé elle, il dit en pointant du doigt Noa.
-Pour être honnête, je ne me serais pas recommandé non plus, elle répondit en déposant une cuillère de haricot vert dans mon assiette. J'ai entendu dire que Max Verstappen...
-Ne finis pas cette phrase, je dis reprenant l'expression de Lorenzo.
-Je dois le dire.
-Ne termine pas cette phrase Noa.
-Mais je dois le dire. Ce serait mal honnête de ma part de ne pas reconnaitre l'évidence.
-Quelle évidence ? demanda Lorenzo.
-Max Verstappen sort avec son ingénieur, Yumiko Satô. J'ai lu un article à propos d'elle, elle est pas juste ingénieur, c'est genre un petit génie. Elle a fait son stage de fin d'études chez Space X, la nana dessinait des fusées avant de dessiner des formules 1. Et toi, elle dit en pointant un doigt dans ma direction. Tu sors avec moi. Je m'aime, je sais que je suis géniale, mais en terme de carrière, c'est pas le choix le plus smart. Je sais à peine ce que un pit stop.
-Tu voudrais que je sorte avec une de mes ingénieurs ?
-Anne est mignonne, dit Arthur.
-Anne est mignonne, répéta Noa.
-Je ne vais pas sortir avec Anne, je répondis incapable de retenir mon rire. Et vous, je dis en direction des garçons, ne rentrez pas dans son délire. Ça nous a pas pris suffisamment d'énergie comme ça pour la récupérer ?

Je tenais à les inclure dans cette dépense d'énergie, parce que j'étais persuadé que sans eux, Noa ne se trouverait pas à côté de moi à cet instant. Je n'avais même pas besoin d'en être persuadé, c'était simplement factuel. Sans Arthur je n'aurais jamais su pour le divorce, et sans Lorenzo, je n'aurais jamais su pour le chantage de Clément. Alors peut-être que du côté de Lorenzo, il avait fait cela pour se faire pardonner. Il n'empêchait qu'il l'avait fait.
Je n'étais pas crédule au point de ne pas comprendre que la conversation avait été habilement détournée par l'ensemble des personnes autour de cette table, pour ne pas que nous ayons à épiloguer sur les révélations d'Arthur. Et si au départ je tenais à ce que nous en parlions pour de vrai, en réalité ce n'était pas tant nécessaire que cela. Arthur était gay. Et alors ? Nous n'avions pas besoin d'en parler plus que cela. Ce n'était pas comme si, il nous avons demandait de l'eau, mais ce n'était pas non plus comme si nous devions nous étendre sur le sujet.
Alors je laissais tomber le sujet, ce qui nous permit également de nous éloigner du sujet Anna et plus généralement de l'idée que je devrais sortir avec une des ingénieurs de l'équipe plutôt qu'avec une chanteuse d'opéra. L'humeur était à la rigolade et c'est sur celle-ci que le diner prit fin.
-Encore merci pour le diner, dit Lorenzo avant de faire la bise à Noa.
-Un plaisir on devrait faire ça plus souvent.
-Pas trop souvent.
-Non pas trop souvent, elle confirma.
Je tapais dans le poing que Lorenzo me tendit avant qu'il ne quitte l'appartement. Arthur en fit de même quelques secondes plus tard et nous nous retrouvâmes à deux. Alourdie par la quantité de nourriture que je venais de manger, car en plus du poulet, Noa nous avez également fait un gâteau à la fleur d'oranger, je m'allongeais sur le sol du salon pour lire les quelques messages quelle j'avais reçu dans la journée et auxquels je n'avais pas pris la peine de répondre.
-Un jour, il faudra que tu m'expliques ton délire avec le fait de s'allonger au sol.
-Je sais pas, j'haussais les épaules sans détourner les yeux de mon écran de téléphone. Quand on était gamin et qu'on n'avait pas de course, on avait le droit de faire des cabanes dans le salon. Ça vient sans doute de là, je terminais cette fois en la regardant.
Son visage s'illumina au point que son sourire semblait vouloir sortir de son visage et ses yeux pétillèrent de malice.
-On devrait faire une cabane.
-Sérieux ?
-Ouais, avec Nathan on faisait aussi des cabanes quand ont été des gamins. Je vais chercher des draps, rapproche les meubles.

Avoir l'idée de faire une cabane était juste cela, une idée. Ça mise en œuvre fut bien plus compliquée que ce que nous avions estimé au départ. Nous tentâmes au départ d'attacher les draps à l'aide de la table basse et du meuble de télévision. Nous finîmes par nous avouer vaincus et migrer vers la table de la salle à manger, sous laquelle nous glissâmes le tapis ainsi que les cousins et les draps du lit, avant de la recouvrir de plusieurs fois, histoire de conserver l'idée d'une cabane.
-Je t'ai vu parler avec Lorenzo, je dis alors qu'elle se glissait de mes bras.
Alors que nous venions de terminé le repas, les deux s'étaient éclipsés dans la cuisine sous couvert de récupérer le gâteau à la fleur d'oranger qui faisant office de dessert. Le temps qu'ils avaient mis pour récupérer le gâteau, avait été bien trop long pour que je sois à l'aise. Je n'excluais pas la possibilité que Lorenzo ait encore foutu son nez là où nous n'avions pas besoin de lui.
-Effectivement, elle répondit sans cacher un bâillement. C'est mieux si tu ne sais pas.
-Tu comprends si je te dis, que le « c'est mieux si tu ne sais pas », ne me rassure pas au vu des dernières semaines.
-Il s'est passé des choses entre Lorenzo et moi que tu ne sais pas. Et c'est mieux si tu ne l'apprends jamais. La conversation entre Lorenzo et moi, c'était essentiellement, lui me faisant promettant de ne rien te dire justement et en conclusion, nous avons décidé de continuer à se détester cordialement.
-Le fait que tu ne veuilles pas m'en dire plus ne me rassure vraiment pas.
-C'est ton frère, Charles. Je ne veux pas être celle qui gâche la relation que vous avez.
Je soupirais longuement, je comprenais son point de vue. Et je savais qu'elle comprenait également le mien. Mais cela ne calmait pas la tonne d'interrogations qui se pressait à mon esprit. Je supposais si elle souhaitait protéger ma relation avec Lorenzo, que l'information avait le pouvoir de gâcher cette relation. Ce qui la rendait cruciale et me donnait encore plus envie de savoir.
-Si le problème entre nous c'est la confiance et la communication, le fait que tu me caches des choses trois heures après qu'on se soit remis ensemble, ça va pas ensemble.
Ce fut à son tour de soupirer, je la mettais au pied du mur, surtout si elle avait promis à Lo qu'elle ne me dirait rien. Mais je me devais de le faire, il n'était pas question que je prenne le risque de mettre ma relation avec Noa en danger à cause de non-dits. Ma relation avec Lorenzo, j'en faisais mon affaire.
-Tu vas me promettre de ne pas en parler avec lui. Il ne doit pas savoir que tu sais.
-Dis-moi, Noa.
-Lorenzo et moi nous sommes rencontrés par hasard sur le paddock pendant le grand prix d'Italie, avant que tu nous présentes. Je sais plus exactement comment on en est arrivé là, mais il a décidé que j'étais avec toi pour ton argent, du coup, il m'a proposé cinquante mille euros.
-Il t'a proposé cinquante mille euros en échange de quoi, je demandais le cœur battant.
-En échange, je devais te quitter. J'arrive toujours pas à croire que cet idiot m'ait donné cinquante mille euros avant que je te quitte. Il a beaucoup de qualités, mais ce n'est clairement pas un génie du mal, elle ricana avant de reprendre son sérieux. Si tu dois être en colère, soit en colère, contre moi, j'ai pris les cinquante k sans jamais avoir l'intention de te quitter. Laisse Lorenzo tranquille, le pauvre a déjà perdu cinquante.
Yep, c'était pas bon. Pas bon du tout. Cela voulait dire qu'avant même l'intervention de Clément, Lorenzo avait déjà en tête le fait que Noa et moi devions nous séparer. Avant même que j'ai l'occasion de les présenter l'un à l'autre.
-Je comprends pas pourquoi, il était si déterminé à nous séparer.
-Je pense qu'on ne saura jamais. Je ne suis même pas sûre que lui-même sache. Ma théorie préférée c'est qu'il est secrètement amoureux de moi. Mais je pense que c'est parce que c'est la meilleure pour mon ego.
-T'es con.
-Mais ça t'as fait sourire, elle ajouta sans cacher son contentement. On a déjà pas mal de choses à régler et discuter entre nous. Je propose qu'on laisse Lorenzo de côté, c'est pas comme s'il allait disparaitre de toute manière. À moins que ta mère soit d'accord pour le retourner au magasin, elle ajouta avec un faux espoir.
-Je presque sûr qu'elle préfère le garder.
-Maintenant je suis triste, la journée avait pourtant si bien commençait.
Cette fois, je ricanais plus franchement avant de laisser tomber le sujet. Entre toutes les bêtises qu'elle aimait raconter, il y avait un point sur lequel, elle avait raison. Nous avions pas mal de sujets à régler entre nous, nous n'avions pas besoin d'ajouter Lorenzo à la liste. Et puis comme elle l'avait fait remarquer, il avait perdu cinquante mille euros dans l'histoire. Je devais accepter que toutes les questions n'aient pas de réponses. Nous allions reconstruire notre relation sur ce qu'il y avait de plus important, une confiance retrouvée et l'amour que nous partagions.

La Prima DonnaWhere stories live. Discover now