Chapitre 6

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Je venais de mettre fin à ma conversation avec Sandro sous ses rires quand j'entendis des bruits de pas approcher dans ma direction.

-Charles ?
-Par ici, je lui répondis pour qu'elle puisse suivre ma voix.

Les bruits de pas s'approchèrent puis la porte de la chambre s'ouvrit sur Noa. À la vue de la moquette et sans que j'ai besoin de lui demander, elle retira ses chaussures avant de pénétrer dans la pièce. Ses yeux se posèrent sur le lit défait et les livres ouverts tout autour. Je dus presque me mordre la langue pour ne pas lui fournir une explication vaseuse sur le bordel qu'était ma chambre. Je n'avais pas pris le temps de faire le lit parce que j'avais eu trop hâte de la voir et trop peur de la louper, donc j'étais partie en balle de l'appartement. Je l'observais observer ce qui l'entourait et rien ne semblait échapper à son regard, les livres, les vêtements roulés en boule dans un coin et le piano installé dans un coin de la pièce.

-Tu ne m'as pas dit que tu jouais.

Immédiatement, je fus envahi par une forme de timidité. Le fait que j'avais commencé à suivre des cours de piano quelques années plutôt n'était pas arrivé plutôt dans nos conversations et maintenant que je savais qu'elle était chanteuse d'opéra et soliste en plus de tout cela, je ne m'étais pas vu lui en parler. Comment est-ce que j'aurais pu ? Être ridicule face, à elle n'était pas mon premier objectif.

-Ouais, je dis doucement.
-Tu me joues un morceau ?
-C'est pas une bonne idée
-S'il te plait ? Un truc facile comme Avé Maria, si tu te loupes, je suis là pour te rattraper. Tu joues sans doute mieux que moi de toute manière, elle haussa les épaules pour marquer l'évidence.

Je levais les yeux au ciel avant de me redresser du lit. Étrangement, je sentis mes mains devenir moites alors que je traversais la pièce pour me rendre devant le piano. Nous nous installâmes tous les deux sur le banc et je l'ai laissée ouvrir le capot et passer ses doigts sur les touches.

-Si je suis nul c'est ta faute, je dis pour me détendre.
-T'es pas nul, tu ne seras jamais nul.

Relevant mon regard en direction du sien, je pus y voir toute la sincérité dans son propos. Elle avait compris toutes les insécurités qui me rongeaient. Ces insécurités avaient plusieurs origines, mais je pensais encore aujourd'hui qu'elle avait pris une part importante après la disparition de mon père. Il avait toujours été mon plus grand fan, mon supporter le plus vocal. Persuadé depuis mon plus jeune âge que j'avais un talent particulier. Son départ avait laissé un vide dans mon cœur que je n'avais jamais réussi à combler. Elles venaient de la les insécurités du trou qu'il avait laissé dans mon estomac, là où se trouvait mon âme.

Voyant mes mains presque trembler, Noa en saisit une, qu'elle caressa de ses doigts avant de murmurer.

-Si ça te met trop mal alaises-tu n'as pas besoin de le faire.
-Non, je la coupais presque. C'est juste que..., ma voix perdit en puissance qui me força à reprendre. C'est juste que j'aimerais pouvoir t'impressionner, je ne suis pas certain que jouer devant toi, la chanteuse d'opéra, ce soit le meilleur moyen.
-D'abord, tu n'as pas à m'impressionner, ensuite c'est déjà fait. Pourquoi est-ce que je serais ici sinon, elle sourit?

C'était à cet instant que je le remarquais de manière frontale et sans le moindre doute. Derrière son masque de confiance en elle, Noa était juste comme moi. Perdue. Perdue, à cause de ce que nous étions en train de vivre, perdue par ces sensations nouvelles, ce besoin d'être en présence l'un de l'autre, cette impression que nous nous connaissions déjà et l'envie d'en découvrir le plus possible l'un sur l'autre. Et c'était pour ça qu'elle voulait que je joue devant elle, elle voulait en savoir plus sur moi.

Alors je laissais glisser mes doigts sur le clavier. Le morceau me revint en mémoire avec facilité. Je m'attendais presque à entendre la voix par-dessus les notes de piano, mais il n'en fut rien, son regard était fixé sur moi. Je ne savais pas ce qu'elle pensait, je ne savais pas ce qu'elle ressentait, mais pas une seule fois elle ne se détourna de moi. Son esprit était tout entier tourné dans ma direction, comme si à cet instant j'étais la seule chose qui comptait pour elle. Au bout de sa course le morceau prit fin, je réalisais alors que pas une seule fois elle avait eu besoin à intervenir, j'avais joué sans la moindre erreur et je n'en étais pas peu fière.

La Prima DonnaWhere stories live. Discover now