Chapitre 62

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Point de vue Noa Nianga

Août 2023 ,Liège.

La musique qui hurlait à mes oreilles faisait battre mon cœur à toute vitesse. Sans être complètement ivre, le champagne avait plus que commencé à faire son effet. J'avais retrouvé mon insouciance recherchée, paradoxalement en me faisant passer pour quelqu'un d'autre. Pour toutes les personnes que nous avions rencontrées ce soir-là, j'étais Lucie, 23 ans, conseillère en banque, en Belgique pour le week-end. Et Lucie, 23 ans, conseillère en banque, était une petite nana prête à faire la fête. Je ne comptais plus les nombres de verres offerts. Lucie était wild à ses heures.

J'avais mes propres barrières, mon comportement au cours de la soirée n'avait pas dépassé ces limites, je tirais pourtant à profit celles-ci pour remettre à l'épreuve mes talents de séductrice. Je ne me considérais pas comme une séductrice, j'étais plutôt du genre à attendre d'attirer l'attention de quelqu'un. En revanche, je savais comment attirer l'attention à moi. Un mouvement de cheveux, un sourire en coin, et regard appuyé. Je me sentais belle, je me sentais puissante.

Au point que j'en oubliais l'heure qui défilait. Comment aurait-il pu en être autrement ? Sissi, elle était véritablement l'âme de la soirée, partout où nous allions et ce soir-là n'avait pas fait exception, elle n'attirait pas l'attention, elle la commandait. Je mettais ça sur le compte dans sa personnalité flamboyante, son mètre soixante-dix, et sa longue crinière blonde qui lui donnait un air éthéré. Aussi je passais une excellente soirée, et puis Lucie n'était pas la petite amie d'un pilote de formule 1. Elle n'avait pas besoin de faire attention à ce que personne ne prenne de photo d'elle.

-Noa, elle hurla dans ma direction

-C'est Lucie maintenant.

-Oh, j'avais oublié, elle passa les épaules. Bois ça, ça fera peut-être disparaître la ride sur ton front.

-Il n'y a pas de rides sur mon front, je répondis tout en attrapant le shoot .

Ça ne partait pas d'une mauvaise attention, mais nous savions toutes les deux qu'elle s'était lancée sur une pente très glissante. On ne rigolait pas avec l'apparition des rides. J'avais par nature des gênes favorables, preuve si besoin ma maman qui à la fin de sa soixantaine avait toujours l'air d'entrer dans sa quarantaine, mais ce n'était pas suffisant. La nature n'était pas suffisante, j'avais un régime presque militaire qui comprenait de l'acide hyaluronique, du rétinol, du collagène et de la crème solaire. Alors non, il n'y avait pas de rides sur mon front.

-De toute manière, je ne parle pas avec les gens qui ne mettent pas de crème solaire, j'ajoutais en la regardant de haut en bas.

-Tu me tues, on dirait j'ai insulté toute ta famille sur plusieurs générations. Je crois même que tu serais mon vénère si j'avais insulté toute ta famille sur plusieurs générations.

-Euh oui, je dis sur le ton de l'évidence.

-Bois ton shoot.

Le shoot bu Sissi m'abandonna à nouveau pour retrouver sa proie de la journée. En plus de passer une bonne soirée, observer le comportement de Sissi me confirmait que j'étais plus que dans la course pour récupérer la maison à Tenerife, comme si j'avais besoin de cette information pour sourire bêtement. C'est donc toute contente que je retrouvais la piste de danse et les quelques connaissances que je mettais faites sur place. En réalité, je n'avais pas besoin de compagnie, un verre à la main, les yeux fermés, je suivis le rythme de la musique comme s'il n'y avait pas de lendemain.

Pourtant, il y avait bien demain, un coup rapide à mon téléphone m'indiqua qu'il était déjà cinq heures du matin. C'était en réalité plus une question de quelques heures que de lendemain a proprement parlé. Le temps de récupérer mes affaires au vestiaire et de trouver un taxi pour me ramener à Spa, j'arriverais à l'hôtel plus ou moins pour l'heure de réveil de Charles. Je cherchais rapidement Sissi du regard sans la trouver, avant de me rendre au vestiaire pour récupérer mes affaires. Je lui envoyais tout de même un message pour la prévenir de mon départ.

-Tu rentres juste, demanda Charles

Assise sur le canapé, je retirais mes chaussures. J'avais tenté d'être le plus discret possible, mais de toute évidence je n'y étais pas parvenu.

-Oui, je t'ai réveillé ?

-Non, t'as une demi-heure de retard sur mon réveil.

-Ok, je vais prendre une douche, faire une petite sieste et je te retrouve au circuit ?

-Ouais. La soirée était bien ?

Je me contentais de hausser les épaules, je n'allais pas lui dire que c'était ma meilleure soirée depuis un moment, alors que nous avions passé les dernières semaines collées l'un à l'autre. Cela me semblait un peu déplacé.

-Est-ce qu'on peut arrêter de faire ça, il s'exclama alors que je me rendais vers la salle de bain ?

-Faire quoi ?

-Ça, il pointa un doigt dans ma direction puis la sienne avant de reprendre. Depuis que tu as parlé avec Arthur de ton divorce, tu me regardes à peine.

-Bien sûr que non, je répondis de mauvaise foi.

-Pourquoi est-ce que t'es revenue ? Pourquoi t'as emménagé chez moi, si t'es même pas capable de reconnaitre au moins ça ?

-Parce que je t'aime

-Ok, mais ça veut dire quoi ? Tu me gardes dans le coin jusqu'à ce que tu trouves une meilleure option quelque part ?

-T'es sûr que tu veux avoir cette conversation maintenant. Parce que t'as une course dans quelques heures et, je suis probablement encore un peu ivre, surtout, j'ai pas dormi de la nuit.

-Oui je veux avoir cette conversation maintenant. Tu t'éloignes de moi et je sais plus quoi faire pour te retenir.

-Et je sais plus quoi te dire, pour que tu comprennes que je ne vais nulle part, j'ajoutais sur un ton désintéressé. Je vais prendre une douche.

En réalité je savais quoi lui dire, je ne savais pas comment lui dire. Ou alors je n'osais pas lui dire. À nouveau je préférais prendre la fuite. Mais, mes pensées étaient troubles et j'étais trop fatiguée pour tenter d'y mettre de l'ordre à cet instant. Il était préférable que nous n'ayons pas cette conversation à l'instant même s'il semblait penser le contraire.

Je n'arrivais pas à comprendre mon blocage. Si je n'étais pas la plus chaleureuse des personnes sur cette Terre, je n'avais en revanche jamais eu de mal à exprimer mes sentiments. Je disais aux gens que j'aimais que je l'ai aimé. Je me refrénais de dire aux gens que je n'aimais pas que je ne les aimasse pas, mais par confort personnel. Je préférais conserver ma paix. Loin de moi, l'idée de créer des conflits. Ça ne m'empêchait pas de les alimenter, mais je ne les débutais pas. En ce qui concernait Charles j'étais perdue. C'était uniquement deux phrases, je veux passer le reste de ma vie avec toi, je veux que tu sois le père de mes enfants. Deux phrases. Et puis ce n'était pas comme si je n'avais jamais pris la peine de le rassurer. Je l'avais fait pendant des mois avant notre séparation.

Notre séparation.

Sans doute que mon blocage venait de là

La douche me servit de solution de repli, aussi je n'en sortis que lorsque j'entendis la porte de la chambre d'hôtel claquait annonçant le départ de Charles. Je poussais un long soupir avant de me glisser dans les draps du lit. Il me fallait un peu de repos.

Je ne dormis pas longtemps. Si je ne pouvais pas lui dire ce qu'il voulait entendre, je pouvais en revanche par mes actions faire en sorte qu'il sache que j'étais avec lui, que j'étais là pour le soutenir. C'est donc avec cette ambition que j'arrivais deux heures avant le début de la course et regardais celle-ci depuis le garage. 

La Prima DonnaWhere stories live. Discover now