La légende des deux royaumes [TERMINÉ]

Chapitre 1 - Partie 2

Océane avait enchaîné les allers retours en cuisine depuis le début de la journée. Les deux Seigneurs n'avaient pas cessé de boire et de manger. Qu'avait-elle fait au ciel et aux étoiles pour mériter cela ? Malgré ses bras fourbus, elle se dépêcha de remonter à la bibliothèque avant de s'attirer les foudres du maître des lieux. Il aimait être servi dans l'instant, la patience et la demi-mesure ne faisait pas partie de sa personnalité.

Dans le dernier tournant, elle heurta le Seigneur William qui se tenait dans l'angle et qu'elle n'avait pas vu. Elle trébucha et manqua de faire tomber son lourd plateau. Elle ne retrouva son équilibre que grâce à ses réflexes et au jeune homme qui avait placé une main sous le plateau et l'autre contre sa taille. L'avait-il aidée à ne pas tomber ? se demanda-t-elle. Si c'était le cas, il s'agissait là d'un comportement peu commun. Pour en avoir le cœur net, elle tourna la tête vers lui et aperçut fugacement un regard surpris dans ses yeux verts. Elle essaya de se dégager, mais le Seigneur raffermit sa prise autour de sa taille lâcha le plateau et souleva une des mèches de la jeune femme et approcha sa bouche près de son oreille. Océane pu sentir son haleine chargée d'alcool quand il lui murmura :

- Ne sommes-nous pas bien ainsi ? Cela ne te donne pas quelques idées ?

D'un coup de rein, elle réussit à lui échapper et se retourna d'un geste brusque, menaçant le frêle équilibre de son plateau avec lequel elle faillit heurter la tête de William qui ne dut son salut qu'à ses réflexes. La jeune femme agita sa main libre sous son nez en le menaçant :

- Recommencez une seule fois et je vous brise chacun de vos doigts, Seigneur ou non !

Le jeune homme, un sourire amusé aux lèvres, s'écarta les mains en l'air dans un mouvement exagérément prudent. Il n'omit pas de lui faire un clin d'œil avant d'entrer dans la bibliothèque. Océane resta un instant interdite et complètement abasourdie. Ce devait être un homme totalement imbu de lui-même, sûr de son charme et de sa supériorité pour agir ainsi, en plus d'être un traître à son pays, en somme une personne méprisable. Inspirant un grand coup, elle entra dans la salle.

La fin d'après-midi tombait et le Seigneur Mordrais était aussi écarlate que sa tunique. Il sentait l'alcool à dix pas et ne pouvait plus se lever de son siège. Ses propos devenaient incohérents et incompréhensibles et plus il était saoul plus il braillait. Le Seigneur William semblait plus assuré dans ses gestes et paroles, malgré un léger tangage mais il ne pouvait s'empêcher de bailler à tout rompre. Mordrais finit par s'en rendre compte et décida de se lever. Une première fois sans succès, puis une seconde en faisant appel à toute sa volonté, il y parvint. Il se planta sur ses jambes, les pieds fermement ancrés au sol, une main se tenant la tête et commença à piquer vers le sol. Océane se précipita sur lui et tenta tant bien que mal de le tenir debout. Mais l'homme pesait plus de deux fois son poids et commençait à somnoler. Le Seigneur William arriva nonchalamment et rassit, avec quelques difficultés, son nouvel ami sur le siège.

- Oui, en effet, je crois que je suis mieux ici, approuva Mordrais avant de s'exclamer : Mon ami ! Avant de vous laisser, il nous faut régler encore quelques détails !

Il avait pris le Seigneur William par le cou, l'obligeant à se pencher jusqu'à lui et ce dernier avait énormément de difficultés à ne pas s'effondrer sur les genoux de son hôte.

- Lesquels ? demanda-t-il péniblement.

- Eh bien, vous trouver une femme de chambre voyons, j'insiste pour que mon service soit optimal jusque dans les derniers détails. La petite va appeler quelques amies, fit-il en désignant vaguement Océane. Vous ferez votre choix dans le lot.

- Je crois qu'elle fera l'affaire, ne vous en faites pas, annonça William qui tentait désespérément d'échapper à son étreinte.

- Comment ? mugit Mordrais. Mais je peux vous en trouver des bien mieux !