La légende des deux royaumes [TERMINÉ]

Chapitre 20 - Partie 2

L'aube se levait. Le bûcher funéraire de William serait allumé dans peu de temps. Geosef avait laissé la jeune femme seule après qu'elle se fut calmée et était retourné aux préparatifs.

Océane qui avait passé son temps assise sur sa chaise finit enfin par se relever. Elle se dirigea jusqu'à son armoire et y choisit la robe la plus extraordinaire qu'elle avait. Elle serait époustouflante pour son dernier adieu à William. Elle se coiffa, relevant les cheveux sur sa nuque et étala quelques poudres sur son visage pour cacher sa mauvaise mine. Elle se regarda dans le miroir : ses yeux avaient perdu leur éclat, mais elle était parfaite, royale. Exactement ce qu'il lui fallait pour se donner du courage.

Puis, on vint chercher le corps de William. Elle suivit le cortège et s'aperçut que Geosef était présent. Elle croisa le Seigneur Samios qui lui offrit un regard de sympathie. Il paraissait sincèrement désolé pour elle. Tous se dirigèrent jusqu'à une place qui donnait sur la cité en contrebas. Peu de Seigneurs et de villageois avaient fait le déplacement. Si William avait été le frère du nouveau Roi, il restait pour la plupart un inconnu censé être mort depuis sa plus tendre enfance. En revanche, Mordrais et Finwë ne manquaient pas à l'appel, mais la jeune femme ne leur adressa pas un regard. Elle garda la tête haute et digne.

Tandis qu'on déposait le corps de son amour perdu sur le bucher, Océane entama une prière pour les défunts. Les larmes lui montèrent aux yeux mais elle les reflua. Sa peine était privée, elle ne leur ferait pas le plaisir de s'effondrer devant eux. On lui tendit une torche et d'une main tremblante elle s'en saisit. Elle s'avança une dernière fois jusqu'à William, contempla ses traits, le caressa du regard et embrasa le bois. Elle recula alors que les premières flammes léchaient le corps de son amant, l'épousaient comme elle aurait aimé le faire. Elle remarqua à peine qu'on lui récupérait la torche et l'éloignait du bûcher. Elle regarda les flammes s'animer dans le ciel. La chaleur lui chauffa les paupières et lui piqua les yeux, mais elle ne céda pas. Pas une seule larme ne fut versée. Elle observa ensuite le brasier se résorber et enfin, quand la dernière flamme ne fut plus que braise, elle détourna le regard. A présent, sa vengeance commençait.

Plus personne ne se trouvait à ses côtés, tous étaient partis depuis longtemps. D'un pas décidé, elle se rendit aux appartements de Finwë. Elle n'attendit pas qu'on l'introduise, elle pénétra dans son salon privé et lui fit face. Tellement absorbée par l'affrontement à venir, elle ne perçut pas la présence de Gabriel près de la cheminée.

— Je suis venue négocier les termes de notre mariage, affirma Océane.

— Pensez-vous être en mesure de le faire ? demanda Finwë en abandonnant les papiers qu'il lisait pour se focaliser sur la nouvelle venue.

— Vous me voulez, alors oui, je pense être en mesure de le faire. Sinon je me jette par ce balcon, déclara-t-elle sans ciller en montrant du doigt la porte fenêtre.

Finwë l'observa, impériale face à lui. Il avait apprécié la dignité qu'elle avait affiché durant la cérémonie mortuaire et à présent, il savourait de la voir si entière, royale face à lui. Elle avait une présence fascinante et qui lui donnait envie de dompter.

— Je ne vous crois pas, fit-il avec un sourire en coin. Vous ne ferez jamais cela. Vous respectez trop la vie qui grandit en vous.

— Êtes-vous prêt à le parier ? questionna-t-elle placidement.

Il la jaugea un instant avant de se lever de son fauteuil tout sourire et s'avança vers elle.

— Voyons, ma chère. Ne soyez pas si définitive, proclama-t-il. Allez-y, je vous écoute. Que voulez-vous ?

— Je veux être libre de mouvement dans le château, libre de choisir les gens qui seront à mon service, mes proches. Je veux également faire partie de la vie de ce Royaume. Je ne tolèrerai pas d'être mise à l'écart de vos affaires. Et je veux que mon opinion soit prise en compte.