La légende des deux royaumes [TERMINÉ]

Chapitre 12 - Partie 1

William pénétra d'un pas vif dans les appartements royaux. Il ne prit pas le temps d'observer les changements que Lysianna avait effectué dans son environnement personnel. Il se souvint de la première fois qu'il avait pénétré en ces lieux, il n'était alors qu'un petit garçon perdu et complètement désorienté. Henric, le père de Lysianna, l'avait recueilli, faisant de lui son fils adoptif, le Prince de Somgysaï. Si dorénavant le jeune homme qu'il était comprenait les raisons stratégiques de cette adoption, il savait également que Henric l'avait véritablement aimé comme un fils. William l'avait d'ailleurs considéré comme son père et aujourd'hui encore, il reconnaissait ce lien plus que tout autre. Avec Lysianna, les débuts s'étaient bien passés, ils s'étaient entendus. Même si à l'époque elle était à peine plus âgée qu'Elio aujourd'hui, elle avait pris soin de lui de façon assez maternelle. Leur relation s'était dégradée quelques années plus tard, à la mort de Henric. La jeune femme qu'elle était avait pris ses responsabilités de Reine et ils s'étaient éloignés, jusqu'à devenir presque des étrangers. William ne s'était plus senti chez lui dans la Forêt des Songes et dès qu'il l'avait pu, il s'était échappé du Royaume. Il avait parcouru le continent dans une quête identitaire dont il allait bientôt venir à bout. Son séjour chez le Seigneur Mordrais n'avait pas d'autre objectif que cela, même si la présence d'Océane avait failli le détourner de son but. Ce qui l'agaçait prodigieusement, c'est qu'il savait que sa sœur l'avait mise sur sa route volontairement et qu'il avait failli se laisser détourner de son chemin pour elle et de bon cœur. Il s'en voulait autant pour ce qu'il considérait comme une faiblesse qu'il en voulait à sa sœur d'avoir servi ses propres intérêts avec lui, comme s'il n'était qu'un vulgaire pion. Et il s'en voulait de maltraiter Océane pour toutes ces raisons. Il comptait bien parler enfin à Lysianna après des semaines à s'être tenu à l'écart et reprendre la main mise sur sa vie.

Il toqua un bref coup à la porte de ses appartements avant d'entrer sans attendre de réponse. La Reine était assise face à sa coiffeuse, en le voyant, elle posa son peigne nacré sur le meuble en bois.

— Je suis contente de te voir enfin ici, mon frère, fit Lysianna en le regardant au travers du miroir.

— Pour être tout à fait honnête, je n'en avais pas vraiment envie, avoua William le regard fermé. Mais il faut que nous parlions.

— Aurai-je donc encore quelque chose à me faire pardonner ? demanda-t-elle en se tournant vers lui.

— Tu le sais très bien, lâcha William d'une voix forte, emplie de rancœur contenue. Tu sais très bien pourquoi je suis ici, comme tu dois savoir ce que je vais te dire.

— Alors pourquoi t'échines-tu à le faire ?

Elle semblait lasse. Ce n'était pas seulement cette conversation qui semblait la fatiguer, mais l'incompréhension entre elle et William. Depuis une décennie, tous les deux ne se comprenaient plus. Ou plutôt, il ne comprenait pas ce que sa condition de Fille du Soleil impliquait et aujourd'hui, il la regardait comme une étrangère. Elle sourit tristement quand il reprit la parole.

— Parce que, contrairement à toi qui te satisfais de tes visions et qui les exécute les yeux fermés, j'ai besoin de comprendre. Il me faut des explications, avança William toujours nerveux.

— Que veux-tu savoir ? céda sa sœur adoptive.

— Pourquoi avoir mêlé Océane à cette histoire ? Inutile de nier, je sais que tu l'as fait. Si tu as accepté que je me rende chez Mordrais, c'était uniquement pour cette raison. Je ne serai pas surpris de voir que toi et Fenhrir m'ayez manipulé pour que je veuille m'y rendre. J'ai l'impression de n'être qu'un pion, lâcha-t-il amèrement.

— Tu te trompes, mon frère. Il s'agit de votre destin. Vous deviez vous rencontrer, c'était écrit. Je ne peux influencer la nature, tenta-t-elle d'expliquer.