Chapitre 13

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Inwë, les mains dans la terre, se ressourçait un peu. Ces trois derniers jours l'avaient laissée épuisée. Le meurtre de Mordrais continuait de la bouleverser tant elle se sentait coupable de la façon dont elle l'avait exécuté. La folie et la rage destructrice avaient fait d'elle un monstre durant un instant et cette aisance avec laquelle elle s'était fondue vers cet état bestial, l'effrayait.

Finwë lui avait dit qu'ils étaient semblables. Comment pouvait-elle le combattre si elle aussi était un monstre ? Mordrais avait cent fois mérité son sort, du moins l'estimait-elle. Est-ce que cela suffisait à le tuer ? Toutes ces questions tournaient et retournaient dans sa tête.

Inwë finit par penser qu'elle ne valait pas mieux que Mordrais et Finwë. Elle continuait de vouloir faire payer à son époux, à vouloir le faire souffrir et le tuer de ses mains. Et même plus, elle continuait de penser qu'il le méritait. Il devait mourir.

Ces pensées étaient son fardeau. Pourquoi ne pouvait-elle pas simplement passer outre ces sentiments ? Elle était fatiguée. Fatiguée d'être toujours en prise avec ce que la morale lui dictait et ce que son âme lui murmurait. Elle souhaitait aller mieux, elle le désirait fortement, mais elle n'y parviendrait pas tant que l'ombre menaçante de Finwë planerait au-dessus d'elle. Qu'elle se trouve à Süryell où au bout du monde, elle ne se sentirait pas libre tant qu'il serait encore en vie.

S'ajoutant à cette pression, la veille au soir les bateaux de Meij avaient fait leur apparition à l'horizon. Les hommes de Samios avaient rapporté la nouvelle à leur maître qui était venu la lui annoncer avant de prévenir Finwë. Ce qu'ils avaient craints était en train de se dérouler.

Meij, le roi d'Osembrun, faisait son apparition avant qu'ils aient affronté Finwë. Ce qui signifiait qu'elle avait un poids de plus sur les épaules : retarder la signature du traité. Elle ignorait à quel point il allait être fidèle à sa parole donnée à Finwë.

Gabriel lui avait révélé qu'ils n'étaient pas proches et que Meij voyait dans cette signature, une opportunité d'ouvrir son royaume à de nouvelles perspectives marchandes. Il fallait espérer que ce soit exact et qu'il ne voit pas en ces dissidences une opportunité d'annexer leur continent fragilisé à son royaume.

Alors qu'elle s'occupait de ses plantes, désherbant et nettoyant un peu autour des pieds, tout pour arrêter d'angoisser quelques minutes, elle entendit que quelqu'un arrivait dans son dos. Se retournant, elle vit qu'il s'agissait de Gabriel et suspendit ses gestes. Elle tapa ses mains pour enlever le plus de terre possible et les essuya dans un pan de jupe, puis se releva, appréhendant ce qu'il allait lui dire. Il se tenait là, à quelques pas d'elle mais il n'avança pas et ne prononça pas un mot.

— Tu veux que nous parlions de ce qui s'est passé. questionna-t-elle de manière purement rhétorique.

— Il le faut oui.

— Il faut que je dise que je regrette de l'avoir tué ? La réponse est non. Bien sûr que non. Si je devais le refaire, je le referai.

La jeune femme savait pertinemment que là n'était pas le problème, mais elle préférait noyer le poisson plutôt que d'affronter le jugement de Gabriel. Elle était même terrorisée qu'il soit déçu de ses actes. Une nouvelle fois elle avait peur de ne pas être à la hauteur. L'avis de Gabriel importait plus que l'avis de quiconque, se rendit-elle compte. Parce qu'il n'était jamais complaisant avec elle et qu'il savait ce que cachait son âme.

— Il ne s'agit pas de cela et tu le sais très bien.

— Alors quoi ? Qu'est-ce qu'il faut que je raconte ? Que je ne suis qu'une pauvre créature rongée par la haine ? Que la façon dont je l'ai exécuté est monstrueuse ? Qu'encore une fois je n'ai pas réussi à faire une chose correctement ?

La légende des deux royaumes [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant