Chapitre 19 - partie 1

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William resta face à la porte sans bouger durant un laps de temps qui sembla infini. Océane était derrière lui, abasourdie par ce qu'elle venait d'entendre. William et Finwë étaient frères. Alors ça voulait dire que... Horrifiée, elle vint se serrer contre lui. D'un geste doux, elle lui caressait le torse et ce contact sembla le ramener à la raison. Il secoua la tête, prit la main d'Océane et lui embrassa la paume, il avait tant besoin d'elle. Il s'était cru fort mais s'était révélé faible. D'avoir ce frère face à lui, il était terrorisé. Serait-il seulement à la hauteur ? Il l'ignorait, mais Océane était là pour le maintenir à flot. Il se retourna vers son amour et l'embrassa avec toute la tendresse qu'il pouvait, lui signifiant ainsi toute sa reconnaissance. Puis il la conduisit jusqu'au fauteuil, s'assit, baissant la tête quelques instants. Finalement il s'adressa à elle :

— Je vais tout te raconter. Il y a longtemps, un peu plus de vingt années, je n'étais qu'un petit garçon et mes parents, en effet, étaient Roi et Reine des Plaines... Il y avait des rumeurs de trahisons, comme toujours, mais je ne me souviens pas de grand-chose, j'étais très jeune. Ce que je sais, pour la plupart, on me l'a raconté ensuite, expliqua-t-il en tentant de se concentrer uniquement sur ce qu'il disait. Ce que nous ignorions, c'était que mon frère était à la tête de ce complot, du moins la figure de proue. Un soir, une femme, ma vieille gouvernante, est venue nous annoncer que la tentative d'assassinat était pour le soir même. Comment elle l'a su, nous l'ignorions, mais ma mère l'a crue sur parole et elle me confia à cette femme pour fuir, raconta William les épaules voutées et perdu dans ses souvenirs. La dernière chose que j'ai vu, c'est mon frère entrant en furie dans la pièce, une épée sanglante à la main.

Pleine de compassion et d'amour face à sa détresse, Océane le prit dans ses bras. Elle savait dorénavant ce qu'était cette peine, cette douleur, de perdre sa famille, cette sensation qu'on vous arrachait le cœur, cette pensée qui vous faisait tomber à terre, annihilant toute volonté. Mais pour un enfant, voir son propre frère tuer ses parents et être arraché à son milieu, faire son deuil entouré d'inconnus, elle ne pouvait pas comprendre cette douleur-là. Quand elle sentit les larmes de William rouler contre son épaule, elle se rendit compte que ses joues ruisselaient aussi et elle ne parvint pas à tarir le flot qui s'échappait de ses yeux. Elle le berça contre elle, le temps qu'ils se calment. Il avait dû enfermer ces sentiments en lui depuis tellement longtemps, s'asseoir sur ses émotions sans les laisser sortir. Aujourd'hui, enfin, il prenait le temps de les évacuer. Au bout de longues minutes, il se redressa enfin, se sentant libéré d'un fardeau et, avec des gestes délicats, il essuya les larmes de sa compagne, puis il continua son récit.

— J'ignore comment nous sommes sortis de la cité, tout ce dont je me souviens, c'est d'avoir patienté de longs jours chez les prêtresses de la Lune, puis ma gouvernante m'a conduit avec elle jusqu'à Somgysaï et m'a présenté à Henric. Il m'a immédiatement accepté et élevé comme si j'étais son fils, reprit-il avec de la tendresse et une pointe de nostalgie dans la voix.

— Tu étais déjà allé chez les prêtresses ? Je n'arrive pas à y croire, fit Océane étonnée. Elles ont joué un rôle dans ton sauvetage, tu penses ? Etaient-elles au courant de ce qui allait arriver ?

— Tu dois savoir quelque chose, avoua William. J'ai compris il y a quelques temps déjà que ma vieille gouvernante était ta grand-mère et Gemma me l'a confirmé lors de notre passage au cloître.

— Quoi ? Grand'ma Nora ? Comment est-ce possible... demanda-t-elle sous le choc de la révélation. William, tout ceci ne peut pas être des coïncidences, reconnais-le.

Le jeune homme hocha la tête gravement. Pour lui non plus il ne s'agissait pas de coïncidences. Comme il l'avait dévoilé à Lysianna, il savait qu'on l'avait pris pour une marionnette, manipulant sa vie selon le bon vouloir de quelques personnes, dont malheureusement la grand-mère d'Océane. Mais il ne lui dirait pas cela, il ne pouvait pas lui faire cette peine. Pas après qu'elle eut perdu sa famille. Alors il n'ajouta rien, se contentant de regarder la femme qu'il aimait.

La légende des deux royaumes [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant