La légende des deux royaumes [TERMINÉ]

Chapitre 23

Seul le souffle régulier d'Océane venait troubler la quiétude de la nuit. Elle s'était endormie un peu plus tôt, suivant sa fille dans le sommeil. Elle avait passé ces trois derniers jours avec son enfant, voulant profiter de chaque instant avec elle pour chérir ces moments dans les années à venir. Elle avait puisé sa force dans le petit corps recroquevillé de sa fille contre son sein.

Après avoir vu sa cousine s'assoupir, Julyne avait déposé la fillette dans un berceau, bien au chaud dans des couvertures. Puis elle s'était éloignée quelques instants. Si bien que personne ne vit l'ombre s'infiltrer dans le cloître et se diriger, après quelques recherches, jusqu'à la chambre d'Océane. Personne ne la vit y pénétrer, repoussant la porte derrière elle pour ne pas qu'on la voit, mais sans la fermer pour ne pas réveiller la jeune femme ou le bébé de son claquement. L'ombre se glissa dans l'obscurité jusqu'au berceau éclairé par le feu de la cheminée. Malgré les flammes n'éclairant que son profil droit, Océane aurait reconnu les traits de Gabriel si elle avait été éveillée. La lumière dansait sur son visage et malgré cela, on pouvait distinguer ses traits durcis par les années, la cicatrice à trois branche sur sa pommette gauche était plus impressionnante que jamais. Il regardait le bébé enfoui sous les couvertures, son petit visage tourné sur le côté, vers lui, et son bras potelé échappé des draps, tétant les minuscules doigts recroquevillés dans sa paume. Il resta un long moment à fixer l'enfant. Personne n'aurait pu dire à quoi il songeait à cet instant. Chaque trait de son visage était fermé, il semblait indéchiffrable.

Soudain, il tourna légèrement la tête vers la porte. L'oreille tendue, il entendit quelqu'un approcher. Il se raidit, prêt à agir. Julyne poussa le battant de la porte et pénétra à son tour dans la chambre. Gabriel bondit sur elle et sans qu'elle n'ait le temps de comprendre quoi que ce soit, il lui mit une main sur la bouche et l'entraina hors de la pièce. Il la plaqua contre le mur du couloir, l'empêchant de faire le moindre mouvement et gardant sa main sur sa bouche. Il jeta un regard à gauche, puis à droite. Personne. Son attention se reporta sur Julyne qui semblait terrorisée.

— Je vais enlever ma main, lui glissa-t-il d'une voix basse et grave. Si vous tentez de prévenir qui que ce soit, je vous promets de m'occuper des personnes dans cette chambre. Vous avez donc leurs vies entre les mains. Suis-je clair ?

Son visage était si proche de celui de Julyne que cette dernière pouvait voir l'implacable volonté briller dans ses yeux à la lumière de la Lune. Elle hocha la tête, lui signifiant qu'elle était d'accord. Gabriel fit glisser sa main jusqu'à la gorge de la jeune femme qu'il enserra légèrement mais suffisamment pour sentir le pouls affolé de sa captive sous la pression de ses doigts.

— Vous êtes ici pour tuer la fille d'Océane, fit-t-elle courageusement.

Gabriel ne prêta pas attention à l'affirmation, il darda ses yeux cyans dans ceux de la jeune femme.

— Êtes-vous celle qui va s'occuper de l'enfant ?

Il attendit la réponse, mais Julyne refusa de parler, le fixant à son tour.

— Répondez !

La voix avait été basse, mais menaçante. Il serra un peu sa poigne autour de la gorge de la jeune femme qui sentit son visage rougir et ses yeux piquer. Comme Gabriel continuait de la fixer, attendant sa réponse, elle finit par lâcher un « oui » éraillé. L'homme relâcha les doigts et le sang de la jeune femme reflua de son cerveau et ses temps cessèrent de bourdonner.

— Vous allez m'écouter attentivement, l'exhorta Gabriel. Dès la fin de l'hiver, vous allez fuir cet endroit, sans dire à personne où vous vous rendez. Si vous tenez à la vie de cette enfant, vous allez disparaître et ne jamais lui révéler qui elle est. C'est seulement à ce prix que vous la sauverez. Êtes-vous d'accord avec moi ?